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Économie

Travail au noir: comment les entreprises passent au travers des recouvrements

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Le montant record des redressements en 2023 pour travail dissimulé s'élève à 1,2 milliard d'euros, un record. Pour autant, le montant réel récupéré par l'Etat est bien plus bas. Il est évalué à 80 millions d'euros seulement. Les raisons ? Des tours de passe-passe comptable et des créations d'entreprises éphémères notamment.

En 2022, l'URSSAF avait découvert 800 millions d'euros de cotisations sociales impayées. En 2023, ce chiffre a explosé. Avec 1,2 milliard d'euros de redressements effectués l'année passée pour du travail au noir, l'objectif est dépassé de 400 millions, s'est réjoui mercredi le ministre délégué aux comptes publics Thomas Cazenave.

Dans la foulée, il a salué les efforts de l'URSSAF et annoncé deux décrets pour renforcer la lutte contre le travail dissimulé et la fraude aux cotisations sociales

Pourtant sur ce 1,2 milliard d'euros de fraude, l'Etat n'en récupère que 80 millions. Cet écart s'explique d'abord par les délais de justice. Il faut du temps, 1, 2, 3 ans, souligne l'URSSAF, pour que les sommes dues soient versées. Mais dans de nombreux cas, il est presque impossible de réclamer les cotisations impayées. C'est ce que souligne Vincent Drezet, porte-parole d’Attac et spécialiste des questions économiques.

"Des sociétés gonflent artificiellement leur dette. Elles vont payer davantage que ce qu’elles doivent à leur donneur d’ordre. Et lorsque que le contrôle arrive, elles disent 'je dois tellement plus que ce que je n’ai en actif que je me mets en liquidation judiciaire donc je ne paye pas les cotisations sociales'", raconte-t-il à RMC.

Toutes les fraudes ne sont pas identifiées

D'autres entreprises disparaissent, indique-t-il. 61% des redressements concernent par exemple le secteur du BTP, où les employés sont parfois payés à la journée.

"La société va se monter uniquement sur la durée du chantier, quelques semaines, quelques mois et puis va disparaître. Elle va se mettre elle-même en liquidation. Et lorsque le contrôle intervient plusieurs mois après, il n’y a plus de patrimoine, il n’y a plus de liquidité à aller chercher du côté de la société. Donc on identifie une fraude, mais on ne peut pas recouvrir", détaille-t-il.

L'État ne recouvre donc pas toutes les cotisations dues et il n'identifie pas toutes les fraudes. D'après un rapport de la Cour des comptes publié en décembre 2019, la fraude aux cotisations sociales est "supérieure à 8,5 milliards d'euros".

Marion Gauthier avec Guillaume Descours