Quels sont les besoins de la France en main d'oeuvre étrangère et immigrée?

Faut-il accueillir davantage de travailleurs étrangers pour assurer l'avenir économique de la France ? Un rapport du think tank Terra Nova affirme que le pays devra accueillir entre 250.000 et 310.000 travailleurs immigrés chaque année pour garantir son "modèle social" jusqu'en 2040-2050.
"Sans travailleurs immigrés, notre économie vacille", soulignent même les auteurs du rapport.
Un constat partagé par Michel Picon au micro de RMC, mardi. Le président de l'Union des entreprises de proximité (U2P) répète "depuis des mois" que "l'économie française a besoin de main d'oeuvre étrangère et immigrée". "On a une démographie qui s'effondre. Il n'y a pas assez d'actifs aujourd'hui pour financer les retraites. Il faut le compenser. On a besoin d'immigration", insiste-t-il.
Ce dernier ajoute, au micro de Charles Matin, que les entreprises manquent de "candidats" dans les secteurs où de nombreux étrangers sont employés. Michel Picon cite entre autres "les restaurants, qui ferment car plus personne en cuisine, le bâtiment, les travaux publics, les services à la personne, l'hôtellerie."
Des secteurs maintenus grâce aux travailleurs étrangers
"Il y a des tas de secteurs où c'est compliqué de recruter", souligne le président de l'U2P. Cette pénurie de main d'œuvre dans les métiers en tension devrait encore s'accélérer et s'amplifier dans les prochaines années, selon un rapport de France Stratégie publié en 2022.
Depuis la création de son entreprise de travaux publics, Oriane Viguier a toujours fait appel à des travailleurs étrangers: "Ça a été l'immigration italienne, portugaise, nord-africaine, puis maintenant on est plus sud de l'Afrique et pays de l'Est." Ces travailleurs permettent de maintenir l’activité. "Au moment des pics d'activité, on a beaucoup de mal à recruter, donc c'est indispensable", explique-t-elle.
Surtout, la cheffe d'entreprise redoute les prochaines années, qui seront marquées par "une vague de personnes qui vont partir à la retraite". En 2021, les étrangers représentaient 27% des ouvriers non qualifiés du bâtiment en France, et près de 25% des ouvriers qualifiés, selon une étude de la DARES, qui dépend du ministère du Travail.
La santé est également fortement touché par ce phénomène. Un médecin sur 10 était étranger selon la DARES en 2021. À Cousance, dans le Jura, le pôle médical a pu survivre grâce à l’arrivée de deux médecins. L’un espagnol, l’autre roumaine. "Ils ont chacun environ 1.700 patients et sont complètement intégrés au sein même de la commune", raconte Christian Bretin, le maire de la ville.
Les politiques fébriles
La commune a pourtant multiplié les démarches pour attirer des généralistes français, notamment les jeunes. Sans succès. "Leur choix se porte davantage vers des collectivités de grande taille ou alors des régions peut-être plus attractives que la notre", explique Christian Bretin.
"Il faut accepter le principe que des Français ne veulent pas faire un certain nombre de métiers pour des raisons diverses et variés", résume Michel Picon.
Le président de l'U2P liste, notamment parmi ces dernières, le fait que "certains pensent que ce n'est pas assez rémunéré ou d'autres que c'est trop difficile physiquement".
Michel Picon regrette que l'emploi des personnes immigrées soit "un sujet touchy" aujourd'hui au sein du gouvernement. "Il y a une espèce d'association malheureuse et détestable entre immigrés et délinquance. Tout le monde est un peu fébrile", conclut-il avec désarroi.