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Quota de 4 vols en avion dans une vie: l'idée de Jean-Marc Jancovici fait polémique

Pour lutter contre le réchauffement climatique et anticiper l'épuisement des ressources énergétiques, l'ingénieur Jean-Marc Jancovici plaide pour instaurer des quotas de vols. Selon lui, il faudrait limiter chaque personne à 4 trajets en avion sur toute une vie. Une proposition qui sans surprise provoque l'ire des professionnels du secteur.

Persiste et signe. L'ingénieur Jean-Marc Jancovici, expert du changement climatique, a de nouveau invité à limiter drastiquement les trajets en avion, à raison de 4 vols par personne et dans une vie: "Pour ceux pour qui cela paraît inconcevable et restrictif, il faut bien qu’ils se rendent compte que c’est quelque chose d’extrêmement récent et que ça partira avec le pétrole. Une fois qu'il n'y aura plus de pétrole, il n'y aura pas de quoi assurer quatre vols dans une vie par terrien", a prédit l'ingénieur sur France Inter mardi.

"Quand je dis 4 vols dans une vie, ce n'est pas zéro. On pourrait instaurer un système où lorsqu'on est jeune, on a deux vols pour découvrir le monde et quand on est vieux, on part en vacances en Corrèze en train. Il m'est arrivé de partir en vacances au Maroc en train et on peut aussi aller à Vladivostok ou en Suède en train", a poursuivi Jean-Marc Jancovici.

Rendre l'avion "exceptionnel"

L'objectif est bien de préserver la planète alors que le secteur aérien représente 2 à 3% des émissions de Co2 de la planète, beaucoup plus que le train selon l'Agence de l'environnement. Un voyage en train émet 14 fois moins de Co2 qu'un voyage en avion.

Une proposition qui relève donc du bon sens pour Charlène Fleury, la coordinatrice du réseau "Rester sur Terre", qui se bat pour la réduction du trafic aérien: "Il n'est pas question de se passer de voyages et de s'arrêter de s'ouvrir au monde mais il faut le faire avec des moyens de transports moins carbonés. La place exorbitante de l'avion aujourd'hui n'est pas possible à conserver dans un monde soutenable. L'idée c'est que l'avion ne soit plus automatique mais exceptionnel", appelle-t-elle.

"On n'a pas les sources d'énergie nécessaires pour faire voler autant d'avions et la décarbonation de l'aérien n'est pour demain et pas possible intégralement. Il va falloir se limiter ou se passer d'avion", ajoute Charlène Fleury.

"Ça ne correspond pas à notre société"

Problème, le prix notamment. Fin juin pour se rendre à Biarritz depuis Paris, il faut compter 274 euros pour un voyage de 4h de train contre 175 euros et 1h d'avion sans parler des vols à moins de 50 euros, proposés notamment par Transavia pour se rendre à Marrakech ou Agadir.

Et accuser le transport aérien d'être responsable du changement climatique, c'est se tromper de cible estime l'ancien patron de la compagnie aérienne aujourd'hui disparue XL Airways, Laurent Magnin: "Je suis convaincu que l'aérien est un outil indispensable. La focalisation actuelle sur l'aérien se fait au détriment d'autres sujets comme le BTP ou la consommation internet qui s'envole. Un moment, le voyage, il ne va nous rester que ça. C'est un énorme sujet sociétal, retourner au monde d'avant, cela va être compliqué", s'inquiète-t-il.

"Sur le plan pratique, c'est irréaliste, cela ne correspond pas à notre société", abonde Marc Rochet, président des compagnies aériennes Air Caraïbes et French Bee. "Le transport aérien a une nécessité économique et sociale et rapproche des familles. Quand les gens se déplacent et voyagent ça a tendance à limiter les conflits et les guerres", assure-t-il.

Les nouvelles technologies pour sauver l'avion?

Et il le promet, l'avenir doit permettre à l'avion d'être moins polluant: "Nous sommes capables d'imaginer des moyens de transport qui réduisent considérablement les émissions de carbone. La capacité de l'humanité à innover trouvera des solutions à ces problèmes", plaide Marc Rochet qui évoque le couplage thermique/électrique pour réduire les émissions de Co2 des avions.

"Aujourd'hui, 90% des gens dans le monde n'ont jamais pris l'avion", rappelle de son côté l'économiste Thomas Porcher qui se veut plus mesuré. "Si tout le monde pouvait voyager en avion, la contrainte du réchauffement climatique ne tiendrait pas", ajoute-t-il sur le plateau des Grandes Gueules ajoutant qu'il va falloir changer les mentalités pour faire marche arrière: "On nous a mis dans la tête que des destinations étaient accessibles à bas prix, on peut faire des Erasmus, on nous a dit d'être mobiles et d'aller travailler à l'étranger, il va donc falloir faire un travail énorme pour changer les 'affects'".

En 2021, d'après le ministère de la Transition écologique, le secteur des transports représentait 31% des émissions de CO2 en France, devant l'agriculture (19%), le bâtiment (18%) et l'énergie (10%).

G.D.