Réforme des retraites: Emmanuel Macron parviendra-t-il à répondre aux inquiétudes?
Le mot injuste est revenu au moins dix fois dans la bouche d’Emmanuel Macron jeudi à Rodez. Notre système de retraite actuel est injuste, il est trop compliqué avec ses 42 régimes spéciaux, il n’est pas équilibré, il est en danger. Il faut donc le remplacer par un régime plus juste, plus simple, plus pérenne. Un régime unique, où chaque euro cotisé rapportera la même chose à tout le monde.
C’est la philosophie de la réforme et c’est ce qu’Emmanuel Macron s’est efforcé de démontrer jeudi soir pendant trois heures, face à une salle qui n’était pas hostile.
Est-ce que c’est vrai que le système actuel est injuste?
Bien sûr, très injuste. Injuste pour les femmes qui souffrent de discriminations salariale pendant leur vie active et qui en paye le prix fort au moment de la retraite. Une femme retraitée touche 40% de moins qu’un homme. Injuste pour les salariés du privé par rapport aux fonctionnaires. Injuste pour tous ceux qui sont dans le régime général par rapport à ceux qui bénéficient de régimes spéciaux et partent à la retraite beaucoup plus tôt.
Avec cet argument de l’injustice du système actuel, Emmanuel Macron espère convaincre les privilégiés de renoncer à leurs avantages. Sans doute, mais ça va être dur. Parce que personne ne se sent privilégié !
Emmanuel Macron a cité deux infirmières jeudi. L’une travaille à l'hôpital public et pourra prendre sa retraite à 57 ans. L'autre travaille dans le privé et devra attendre 62 ans. "Injuste", s’exclame Emmanuel Macron qui propose donc que les deux infirmières travaillent jusqu’à 62 ans. Ce n’est pas très compliqué d’imaginer la réaction de l’infirmière qui devra travailler 5 ans de plus
Macron applaudi après renvoyé les avocats dans les cordes
Prenons les avocats: la réforme prévoit qu’ils devront cotiser à hauteur de 28% contre 14% aujourd’hui. Une forte hausse de leur cotisation, pour des retraites moins élevés et alors que leur caisse autonome était bénéficiaire.
Les avocats sont très très remontés. La bâtonnière de l’Aveyron qui a interpellé le président jeudi soir, a évoqué ses confrères qui ont les larmes aux yeux, quand ils parlent de ce qui va leur arriver.
Oui leur a dit Emmanuel Macron, votre système est bénéficiaire aujourd’hui. Mais demain ou après demain, il ne le sera plus parce qu’il y aura beaucoup plus d’avocats à la retraite et beaucoup moins en activité et alors vous vous tournerez vers la solidarité nationale.
C’est ce qui est arrivé aux agriculteurs hier, et aux mineurs avant hier. Et Emmanuel Macron a été applaudi après avoir ainsi renvoyé les avocats dans les cordes.
Un point pour lui, mais on imagine la réaction des 60.000 avocats de France, qui vont effectivement devoir cotiser beaucoup plus pour recevoir moins une fois à la retraite. On a beau leur dire que ce sera plus juste ainsi, ils ont du mal a l’avaler.
Des annonces et des confirmations
C’est la même chose pour les régimes spéciaux. Emmanuel Macron a cité le chauffeur de bus parisien de la RATP qui part à la retraite à 52 ans, dix ans avant les chauffeurs de bus de province. "Injuste", dit le président de la république. Peut-être, mais si vous retirez cet avantage aux chauffeurs de la RATP ou au conducteur de la SNCF, forcément ils le vivront comme une injustice. La trahison d’un contrat passé.
Et comme rien n’est plus mobilisateur que le fait de subir une injustice et comme les bénéficiaires de ces régimes spéciaux ont la capacité de bloquer la France, ce n’est pas encore gagné pour le Président.
Il y a tout de même eu des annonces et des confirmations. Dans le futur système, personne ne touchera moins de 1.000 euros. C’est une retraite minimale. Mais le minimum vieillesse est actuellement de 970 euros. C’est donc une augmentation de 3%. Annonce également sur le niveau des retraites qui sera garanti. Les pensions devraient être indexées non pas sur la hausse des prix mais sur la hausses des salaires, ce qui est plus intéressant.
Les concertations et les négociations ne font que commencer
Ce sera une règle d’or à laquelle personne ne pourra toucher. Une autre règle d’or sera que le système devra toujours être à l’équilibre. En cas de difficulté donc, on pourra repousser l'âge de départ à la retraite mais pas le niveau des pensions.
Le Président a aussi précisé pour toutes les professions libérales que le trésors de guerre accumulés par leurs caisses autonomes ne seraient pas confisqués. C’était une crainte.
Mais malgré la longueur du débat, il y a surtout beaucoup de questions qui restent sans réponse. C’est normal, a expliqué Emmanuel Macron. C’est parce les concertations et les négociations ne font que commencer.