Rupture conventionnelle: "Ça a été complètement dévoyé, c'est pour un break", peste Yves Camdeborde

À la recherche de pistes d'économies pour son budget 2026, le gouvernement envisage de tailler dans les ruptures conventionnelles, qui permettent à des salariés de quitter un CDI dans une entreprise avec une somme de départ et de toucher les indemnités chômage.
Mais ce dispositif, dont la popularité augmente (+17% entre 2019 et 2024), à un coût. Mis en place sous Nicolas Sarkozy pour assouplir le marché du travail et les embauches en 2008, la rupture conventionnelle coûte 10 milliards d'euros en 2024, soit un quart des dépenses de l'assurance-chômage. Car elle permet des indemnités de chômage et une indemnité qui ne peut pas être inférieure à celle prévue par un licenciement.
L'Etat voudrait donc réduire la voilure alors que le dispositif est prisé des plus jeunes et des plus diplômés. Dans ces conditions, la ministre du Travail démissionnaire Catherine Vautrin a proposé que le salarié bénéficiant d'une rupture conventionnelle touche ses indemnités chômage moins longtemps.
Une rupture conventionnelle pour "faire un break"?
Les ruptures conventionnelles, le chef Yves Camdeborde en voit défiler souvent: "Depuis 2008, je n'ai pas eu un départ sans qu'on me demande une rupture conventionnelle", assure-t-il ce mardi sur le plateau des Grandes Gueules.
"Et on parle de gens avec qui je n'ai pas de problèmes mais qui veulent faire un break disant: 'Je veux arrêter de travailler, mais que avec une rupture conventionnelle, sinon je continue en mettant le frein à main'", poursuit le chef sur RMC et RMC Story.
"C'est une pression énorme", juge-t-il
Yves Camdeborde l'assure, dans le monde de la restauration, les employeurs sont presque obligés de les accorder: "En restauration c'est une vraie problématique, ça a été complètement dévoyé et il faut l'encadrer".
Devenu une forme de chantage?
"Telle qu'elle est appliquée, elle se retourne tout le temps contre le patron", assure de son côté l'agriculteur Didier Giraud. "Et parfois, le chantage à la rupture conventionnelle passe par des périodes d'indemnités maladie où le salarié est absent et je l'ai vécu. Le salarié passe par un burn-out qui se renouvelle et le chantage arrive", déplore l'éleveur de bovins.
"Et si tu tiens le bras de fer, le salarié va aux prud'hommes et gagne dans 99% des cas. Cette rupture conventionnelle donne un statut à des gens qui veulent démissionner", ajoute-t-il.
C’est exactement ce qui est arrivé à Olivier, restaurateur dans le Loiret: "C’est un chantage, j’ai une employée de 23 ans qui fait bien son travail. Sa fille est rentrée en maternelle, elle ne veut pas s’adapter, donc elle me demande une rupture conventionnelle ou c’est les prud’hommes".
"Elle me l’a dit, elle veut le chômage et faire du travail au noir. Même si je la licencie pour faute grave je ne suis pas sûr de gagner", déplore-t-il.
"On profite tous de ce système généreux"
"Elle permet des choses intéressantes", nuance le chef Yves Camdeborde, "notamment pour tous les employés de la restauration qui veulent se lancer mais il faut l'encadrer", appelle-t-il.
De son côté, Joëlle Dago-Serry assure que les ruptures conventionnelles peuvent y trouver leur compte: "Je travaillais dans une boîte restructurée et ça avait créé des postes doublons. L'entreprise était bien contente de pouvoir faire partir les gens avec des ruptures conventionnelles. On profite tous de ce système généreux", estime-t-elle. "Il faut faire des économies et je pense qu'on peut effectivement réduire le temps d'indemnisation".
Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu envisage d’augmenter la contribution des employeurs sur les indemnités versées lors des ruptures conventionnelles. Aujourd'hui, les employeurs doivent s’acquitter d’une taxe versée à l'Urssaf, à hauteur de 30% des indemnités versés aux salariés. Une taxe que Sébastien Lecornu veut porter à hauteur de 40%.