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"Expliquez-nous": la France pourrait-elle rétablir la peine de mort?

Un chiffre en très forte hausse par rapport à l’an dernier. Mais il faut toujours nuancer les sondages.

Selon une enquête IPSOS, en un an, il y 11% de Français en plus qui sont en faveur de la peine de mort. Au total ça représente 55% des personnes interrogées contre 44% l’an dernier. 

Il y a notamment une forte augmentation parmi les électeurs des républicains de 48 à 71% ainsi qu’une surprenante augmentation chez les sympathisants de la France Insoumise de 8 à 39% et toujours une écrasante majorité de partisans de la peine de mort chez les partisans du Rassemblement National. 

La même enquête montre que les Français veulent un “chef pour remettre de l’ordre”. On pourrait en conclure qu’il y a une augmentation de la demande d’autorité et de sévérité.

Cependant, il faut toujours nuancer les sondages. D’abord parce que 55% pour la peine de mort, c’est effectivement beaucoup plus que l’an dernier mais pas beaucoup plus que les années précédentes selon la même enquête IPSOS pour le monde et l’institut Montaigne. 

Et si l’on en croit Opinionway, qui sonde les Français tous les ans sur la question, les chiffres sont remarquablement stables depuis 5 ans: entre 45 et 47% favorable à la peine capitale. 

En réalité les Français sont divisés depuis des années en deux blocs presque égaux avec toujours plus de partisans que d’adversaires de la peine de mort. En 1981, lors de l’abolition, ils étaient 63% contre cette abolition. Au milieu des années 70, lorsque la guillotine fonctionnait encore. Ils étaient pour à 55% pour, exactement comme aujourd’hui.

Est-ce que l’on pourrait rétablir la peine de mort?

Rien n’est jamais impossible. Les Etats-Unis l’ont bien abolie en 1967, et rétablie en 1976 donc pourquoi pas la France un jour. Mais ce serait très compliqué. Jacques Chirac en 2007, a fait inscrire l'abolition dans la constitution: “nul ne peut être condamné à mort et exécuté”.

Pour la rétablir, il faudrait donc modifier la constitution. Mais pas par référendum. Parce que les référendums ne peuvent traiter de sujet comme celui la. Donc il faudrait d’abord un référendum sur les référendums. Il faudrait aussi qu’un ou plusieurs partis politiques le propose. Or, aucun parti ne défend plus le rétablissement. Ce n’est plus au programme du Rassemblement National depuis la dernière présidentielle. En 2012, ca l’était encore, mais plus en 2017. 

Si un jour la France voulait rétablir la peine de mort, est-ce que l'Europe pourrait s’y opposer? 

On le croit souvent, mais c’est faux. L’Union européenne ne se prononce pas sur la peine de mort. Si un de ses pays-membres devait rétablir la peine de mort, il ne serait pas exclu. Tout simplement parce que l’exclusion n’est pas prévue.

Il y a une charte européenne des droits de l’Hommes qui interdit la peine de mort, mais elle n’a pas valeur de loi. Il y a aussi un protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l’homme que la France a ratifié, mais un traité peut toujours être dénoncé. Bref, l’abolition n’est pas absolument irréversible. 

Ca parait tout de même assez peu vraisemblable et contre le cours de l’histoire. La peine de mort recule régulièrement dans le monde. L’an dernier 20 pays ont procédé à des exécutions. 140 l'ont abolie en fait ou en droit. En France, l'année prochaine se sera le 40e anniversaire de l’abolition et la dernière exécution date de 43 ans. 

Les adversaires de la peine de mort disent que le dernier exécuté était innocent. Ils pensent à Christian Ranucci qui était peut-être innocent, mais qui pas le dernier. Le dernier, c’est Hamida Djandoudi, Guillotiné à Marseille le 10 septembre 1977, pour le meurtre de son ancienne compagne. 

Aujourd’hui, 13 Français sont condamnés à mort. 11 en Irak pour appartenance à Daesh et deux au Maroc pour terrorisme. La France fait pression sur ces deux pays pour qu’ils ne soient pas exécutés.

Nicolas Poincaré