"Expliquez-nous": Noirs et pauvres, les plus touchés par le Covid-19 aux Etats-Unis
Alors que l'épidémie de coronavirus semble se stabiliser en Europe, aux Etats-Unis, elle fait des ravages. Et ce n'est visiblement qu'un début: les autorités craignent jusqu'à 200.000 morts d'ici les prochains mois.
Et les spécialistes américains n‘ont pas de mots assez durs pour qualifier ce qu’il s’est passé depuis deux mois: "Un fiasco aux proportions incroyables", "Un manque de préparation totale, une indécision coupable", "Un cas d’école qui sera étudié à l’avenir comme l’exemple du désastre et du ratage". Et on en passe et des meilleurs.
Donald Trump, une absence de décision
Pour faire court, ce que les scientifiques reprochent aux autorités c'est de ne jamais avoir développé un plan national et d’avoir naviguer à vue au gré des humeurs et des conférences de presse quotidienne de Donald Trump. D'ailleurs, quand on relit ce que le président américain a pu dire, c’est catastrophique.
Le 22 janvier, le premier cas vient d’être détecté sur le sol américain, Donald Trump commente: "Nous avons la situation sous contrôle, ça va très bien se passer". Le 30 janvier, il en rajoute: "Ca va super bien se passer". Le 10 février: "Le virus disparaîtra en avril avec le retour des beaux jours". Le 3 mars: "Ce n’est qu’une grippe qui n’a fait que 22 morts. L'économie continue, la vie continue". Et puis, enfin, le 17 mars: la prise de conscience. L’OMS vient de déclarer que le coronavirus était une pandémie. Et Donald Trump confirme. Il dit: "C’est bien une pandémie et d’ailleurs je l’avais compris depuis longtemps, avant tout le monde…" Et ce jour-là, la Maison Blanche préconise finalement des mesures de confinements que les Etats vont adopter un à un.
Le ton a donc changé. Donald Trump va ensuite prédire, les jours les plus tristes de l’histoire américaine et surtout annoncer que le bilan devrait se situer entre 100.000 et 240.000 morts. Parce qu’il est là: sans lui, cela pourrait être 2 millions de morts, dit-il.
Revenons sur la date du 22 janvier. C’est le jour du 1er cas américain mais aussi le jour du premier cas en Corée du sud. A Séoul, le jour-même, le gouvernement lance une gigantesque commande de tests et mobilise toute d'industrie pharmaceutique pour produire ces tests. Et on sait que c’est avec cette politique de tests que la Corée s’en est sortie mieux que tout le monde et avant tout le monde…
Pourtant, aux USA, aucune décision avant le 31 janvier. La première autorisation de produire des tests est donnée au laboratoires, mais sans les commandes massives comme en Corée. Et il ne va rien se passer au niveau fédéral pendant un mois et demi, soit jusqu'à la mi-mars.
Les Noirs et les pauvres en première ligne
Et dans des proportions stupéfiantes. La maire de Washington, qui est noire, parle d’un impact "disproportionné". La maire de Chicago, noire elle aussi, dit que les chiffres lui ont "coupé le souffle". La troisième ville américaine compte 30% de Noirs mais ils représentent 70% des morts du coronavirus. En Louisiane, deuxième état le plus touché derrière New York, même proportion même décalage. Dans des comtés du Wisconsin, c’est pire, les Noirs sont 26% de la population et 81% des victimes…
Pourtant les raisons de ce drame, on les devine. Les Noirs sont plus pauvres, ont moins d'accès au système de santé. Ils souffrent plus d'obésité, de diabète, de maladies cardiaques et respiratoires. Ils sont aussi, plus souvent que les Blancs, livreurs, éboueurs, chauffeur de bus, caissiers ou aides soignants. Soit, d'autres termes, les métiers les plus explosés au virus.
Mais cela n’explique pas tout. Si la maire de Chicago dit qu’elle a le souffle coupé, c’est qu’il y a un mystère. Les organisations noires demandent d'urgence des statistiques nationales et des enquêtes pour expliquer cette inégalité raciale face à la maladie… Une inégalité qui va encore rajouter des tensions.
Les Etats-Unis ressemblent aujourd’hui à un grand corps malade. Au sens propre et au sens figuré: un malade qui n’a pas su se défendre, qui va compter ses morts et ses chômeurs, qui va considérablement s'appauvrir…
Henry Kissinger, qui est le plus grand diplomate de l’histoire du pays, l’homme de la paix au Vietnam, 96 ans et toute sa tête, a estimé dans le Wall Street Journal, que l’Amérique ne se relèverait pas de cette crise avant... plusieurs générations.