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Femmes au volant, ce que les hommes pensent de vous

C'est un paradoxe: les femmes réussissent moins à l'examen du permis de conduire, mais créent moins d'accidents et perdent moins de points de permis. Une étude du Sénat s'interroge sur le poids des préjugés dans la formation des femmes à la conduite.

C'est un cliché qui a la vie dure: les femmes conduisent moins bien que les hommes, voire ne savent pas conduire tout court. Ça ne date pas d'hier, et il suffit d'interroger des automobilistes hommes pour s'en rendre compte. Florilège au micro d'RMC : "Elles ne sont pas attentives. Qu'elles arrêtent d'être au portable ! Ça arrive aux hommes aussi, mais il y a énormément de femmes (qui téléphonent au volant). Le maquillage aussi c'est bien, mais ça fait perdre du temps".

"Les femmes c'est zéro ! Elles ne savent pas conduire. Il faudrait qu'elle passe le permis en 5 ans".

"Elles conduisent mal, elles ne font pas attention, elles ont des accidents souvent. Nous, quand on est enfant on joue aux voitures. La conduite, c'est dans les gènes". Trois automobilistes mâles qui ne sont peut-être pas représentatifs de ce que pensent tous les hommes, mais qui illustrent la vigueur des préjugés.

"Qu'elles arrêtent d'être au portable!"

Des préjugés qui ont peut-être un impact sur l'examen du permis de conduire. La délégation du Sénat aux droits des femmes a mis en tout cas le doigt sur un paradoxe: les femmes réussissent moins l'examen du permis que les hommes. En 2014 plus de 65 % d'hommes réussissent l'épreuve pratique contre un peu plus de 55 % de femmes.

Et pourtant, sur la route, les femmes sont plus prudentes que les hommes, si on s'en tient aux chiffres de la Sécurité routière. L'an dernier, seuls un tiers des points retirés l'ont été à une femme. Et moins d'une conductrice sur cinq a subi une invalidation de votre permis de conduire. Elles créent également moins d'accidents: dans plus de 8 cas sur 10, le responsable présumé d'un accident mortel est un homme. Et si le conducteur impliqué a bu de l'alcool, il s'agit d'un homme dans plus de 90% des cas.

"T'es une nana, ça sera plutôt 45 heures de formation"

La délégation du Sénat s'interroge surtout sur le poids des préjugés et des stéréotypes dans l'écart de réussite homme/femme au permis - à la fois au moment de l'examen mais aussi pendant la formation à l'auto-école. Ces préjugés pendant la formation, Julia les a affrontés. "La première école où je suis allé on m'a dit: 'Il y a différents forfaits d'heures, toi t'es une nana ça sera plutôt 40 - 45 heures alors que les mecs en 20 - 25 heures c'est bon'". Pas de quoi mettre en confiance. "Je me suis donné cette excuse de dire : 'Toi de toute façon tu es une fille tu vas galérer, le permis tu ne vas pas l'avoir comme ça, c'est facile pour les mecs mais toi t'as peur, tu es moins douée avec le volant...'"

Le problème pour Chantal Jouanno, rapporteur de l'étude sur "les femmes et l'automobile: un enjeu de lutte contre la précarité, d'orientation professionnelle et de déconstruction des stéréotypes", présentée mercredi, c'est que ces préjugés coûtent cher aux futures conductrices. "Le coût d'un permis va de 1.600 à 3.000 euros, on a même des exemples de jeunes filles pour qui ça coûte 6.000 euros avec des caricatures de propos sexistes, et derrière ça il y a des jeunes filles qui ont des difficultés de déplacement et d'accès à l'emploi".

Pourtant Patrick Mirouse, de l’Union nationale des enseignants de la conduite, assure qu'il n'y a pas de sexisme dans les écoles de conduite. "On n'est très surpris parce qu'on a pas ce type de remontées. Les formations sont les mêmes pour les garçons comme pour les filles".

Le rapport préconise cependant de former aux stéréotypes les moniteurs d'auto-école et les inspecteurs du permis. Pour que femmes au volant ne rime plus, dans l'esprit de certains hommes, avec mort au tournant.

Philippe Gril avec Anaïs Bouitcha