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A quoi servent les ballons espions abattus par les Américains?

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Dans "Apolline Matin" ce lundi sur RMC et RMC Story, Nicolas Poincaré fait le point sur l’affaire des ballons espions qui survolent l’Amérique du Nord et que les Américains ont décidé d’abattre avec leurs avions de chasse.

Les Etats-Unis ont abattu ce week-end trois objets non identifiés qui survolaient l'Amérique du Nord. Cela intervient une semaine après l’affaire du ballon chinois descendu par un avion de chasse américain. Et cela indique clairement que ce ballon espion chinois qui a survolé tout le territoire des Etats-Unis, ce n’était pas un acte isolé… Un objet a été abattu par un F16 au-dessus de la région des Grands Lacs, ce dimanche. Un objet octogonal qui volait à 6.000 m d’altitude, c'est-à-dire plus bas que les avions de ligne. C’est un ballon qui n’avait pas de nacelle apparente.

La veille, un avion de combat américain a abattu un engin non identifié qui survolait le Nord-Ouest du Canada à 12.000 m d’altitude. Les Canadiens sont actuellement à la recherche de débris qui permettront d’en savoir plus sur la nationalité de ceux qui ont lancé cet engin. Les Chinois font partie des suspects. Vendredi, l’aviation américaine avait déjà descendu un engin au-dessus de l’Alaska. Un ballon qui faisait la taille d'une petite voiture. Cela fait donc quatre incidents du même type en moins de dix jours, en comptant le très gros ballon chinois abattu le 4 février au-dessus de l'Atlantique.

Et on découvre que c’est souvent arrivé dans le passé. Les Américains ont dénoncé ce qu’ils appellent une "flotte" de ballons utilisés par l'armée chinoise dans le cadre de programmes d'espionnage. D'après les autorités américaines, au moins une quarantaine de missions ont été détectées depuis 2018 dont une dizaine dans l'espace aérien des Etats-Unis. Des ballons espions ont été repérés au-dessus du Texas et de la Floride mais aussi au-dessus de la petite île américaine de Guam, dans le Pacifique, pas très loin de la Chine. En juin 2020, un ballon s'était abîmé en mer au large d'Hawaï, et des débris avait été récupérés et analysés.

Mais les Américains ne sont pas les seuls à être espionnés. Depuis quatre ou cinq ans, des ballons ont été repérés en Inde, au Vietnam, à Taiwan, aux Philippines, en Amérique latine ou bien encore au Japon. Le Monde raconte qu’en 2020, un objet avait été détecté et photographié dans le ciel japonais. On avait alors évoqué un Ovni, mais avec le recul il apparait que c'était un ballon d'espionnage chinois. La France, de son côté, n’a jamais fait état de tels survols. Soit parce que les Chinois ne nous espionnent pas, soit parce que les autorités françaises n’ont pas jugé utile de communiquer sur le sujet.

Les ballons ont aussi des oreilles

Quel est l'utilité de ces ballons espions? C’est la question que l’on se pose alors que l'on sait que les Chinois disposent de nombreux satellites d'observation. Mais les ballons permettent de faire des choses que les satellites ne peuvent pas faire. C’est ce qu’explique très bien Guerric Poncet, le spécialiste des questions de défense du journal Le Point. Les ballons sont à 15 à 45 km d'altitude alors que les satellites sont à 300 à 600 km, les photos sont forcément meilleures. De plus, un ballon peut rester très longtemps au-dessus d’un point, alors que le satellite ne fait que passer très vite, même s’il revient souvent.

Mais surtout, les ballons n’ont pas que des yeux, ils ont des oreilles. Ils peuvent capter et enregistrer les ondes des téléphones portables et des communications radio. Cela permet d'apprendre beaucoup de choses sur les activités d’une base militaire. On peut par exemple imaginer que ces ballons parviennent à identifier les soldats qui travaillent sur une base. Pour éventuellement un jour les menacer, eux ou leur famille, en leur envoyant des messages sur leurs téléphones. Les Russes l'avaient fait avec des soldats de l'Otan qui se trouvaient dans les pays baltes.

Voilà pourquoi les Américains ont finalement décidé de réagir en rendant public qu’ils ont abattu quatre objets depuis le début du mois. A ce stade, on ne va pas parler de la guerre des étoiles, parce que cela ne se passe pas dans l’espace, mais juste en-dessous, dans la stratosphère. Mais c’est un gros sujet de tension entre les deux superpuissances que sont la Chine et les Etats-Unis.

Nicolas Poincaré