Alep: "Je ne crois pas que la capacité d'indignation des Français soit asséchée"
Geneviève Garrigos, porte-parole d'Amnesty International
"En France, on a du mal à faire prendre conscience de ce qui se passe en Syrie. Il faut dire que depuis les attentats de novembre, la priorité c'est de combattre Daesh. Pas de protéger la population syrienne. Mais pour nous, Amnesty International, la priorité, c'est bien de sauver les populations civiles. Sur la question syrienne, il y a une confusion entre la Syrie, l'Irak, Daesh… Tout est troublé dans l'esprit des gens. Nous sommes aussi otages de la communication du régime syrien et de la Russie qui parlent de rebelles, de milices, de terroristes… Comme s'il n'y avait pas de population civile. Sans compter la désinformation et les messages contradictoires que l'on va trouver sur les réseaux sociaux, qui créent encore plus de trouble dans l'esprit des gens.
"En France la priorité c'est de combattre Daesh, pas de sauver les civils"
Et puis, il y a un fort sentiment d'impuissance. Au début du conflit, on a senti une forte mobilisation de l'opinion publique. Mais l'inaction des Nations-Unies à cause notamment des vetos de la Russie et de la Chine au Conseil de sécurité notamment, a généré un fort sentiment d'impuissance. Et puis les Français craignent que l'on décide une intervention militaire là-bas. Or, il n'en est pas question: on ne va pas rajouter du chaos au chaos. Ce que nous voulons, c'est faire en sorte que les massacres de civils s'arrêtent.
"Une forte mobilisation au niveau local"
Je ne crois pas cependant qu'il y ait un assèchement de la capacité d'indignation des Français. Il suffit de regarder la mobilisation de nos concitoyens pour les réfugiés au niveau local. Si effectivement la capacité de se mobiliser à travers de grandes manifestations, par exemple, s'est perdue, l'action au niveau local est par contre très développée. Regardez le nombre de collectifs qui se sont créés pour venir en aide aux réfugiés. Il y a ce sentiment d'impuissance sur ce que l'on peut faire pour la Syrie, mais par contre, les Français se raccrochent à ce qu'ils peuvent faire et qui est à la portée de leurs mains: qu'est-ce que je fais pour la personne près de moi? Les premiers aidés en France sont les Syriens".