CETA: pourquoi le Sénat pourrait faire tomber l’accord de libre-échange entre l’Europe et le Canada

Le Sénat se prononcera ce jeudi sur la ratification du CETA, l’accord de libre-échange entre l’Europe et le Canada. En cas de rejet par les sénateurs français, c’est tout l'édifice qui pourrait s'effondrer. Ce n’est pas juste un accord douanier, pour réduire les taxes dans les échanges entre le Canada et l’Europe. C’est un accord global qui touche tous les domaines, l'agriculture, l'industrie, les services, les télécoms. Et qui permet aux entreprises canadiennes de s'installer en Europe et aux entreprises européennes d'investir au Canada.
Les négociations ont commencé il y a 15 ans. En 2016, l’accord a été signé. C’est un texte de 2.300 pages qui a été adopté ensuite par la commission puis par le Parlement européen. Il ne restait plus qu'à le faire ratifier par les parlements des 27 pays de l’Union européenne. Mais la France a traîné.
L’Assemblée nationale a voté en faveur du CETA en juillet 2019. Le texte était passé à une courte majorité après des débats tendus au sein du groupe macroniste. Et ensuite, la France a joué la montre et a laissé traîner les choses. L’accord n’a jamais été soumis au Sénat, de peur qu’il soit rejeté. Cela aurait encore pu durer des années, mais finalement le groupe communiste, hostile au traité, a imposé un vote qui aura donc lieu ce jeudi.
Pourtant, le CETA est déjà en application. C’est le paradoxe. L’accord n’a pas été ratifié, ni en France ni dans une dizaine d’autres pays européens, mais il s’applique déjà depuis sept ans. 95% des mesures prévues sont en vigueur, notamment la suppression de pratiquement toutes les barrières douanières à l'import et à l’export.
Plus d’exportations que d’importations pour le bœuf
Dans le domaine agricole, qui est le plus sensible, les éleveurs bovins craignaient une concurrence déloyale. Mais finalement, il n’y a pas eu de déferlement. Seules de très petites quantités de tonnes de bœufs canadiens ont été importées en France, soit 0,003% de notre consommation. Et c’est plutôt l'inverse qui s’est produit. Les exportations de bœufs européens vers le Canada ont augmenté, de même que les exportations de fromages et de vins français.
Pour l'instant, on ne peut pas dire que cet accord ait impacté les agriculteurs européens. Mais le texte reste tout de même très controversé, notamment pour les écologistes qui lui reprochent un mauvais bilan carbone.
Si les sénateurs devaient rejeter le texte, cela entraînerait sans doute l’enterrement de tout le système. Le texte retournerait à l’Assemblée nationale où il serait sans doute également rejeté puisque la majorité n’a plus de majorité… Et faute d’une ratification française, c’est tout le CETA qui ne s’appliquerait plus, pas seulement pour la France mais pour tout le monde, les Canadiens et les 27 pays européens.
Ce grand projet, résultat de longues années de négociation, pourrait finir dans les poubelles de l’histoire. Et au passage, il entraînerait sans doute avec lui l’abandon définitif du Mercosur, l’autre traité de libre-échange qui est actuellement négocié entre l’Europe et quatre pays d’Amérique du Sud. Le Mercosur dont la France ne veut pas, alors que le gouvernement milite pour la ratification du CETA avec le Canada.
Mais il y a encore un dernier scénario. Si le Parlement français ne ratifie pas le traité, théoriquement, il n’a plus de validité. Sauf si la France oublie de transmettre la décision à la commission de Bruxelles. Ce ne serait pas très démocratique mais c’est tout à fait possible. Le parlement de Chypre, par exemple, a rejeté le CETA mais le gouvernement chypriote n’a jamais notifié ce rejet à Bruxelles, ce qui a permis à l’accord de continuer à s’appliquer. C’est ce qui s’appelle passer en force. Cela arrive de temps en temps en Europe...