Comment et pourquoi Elon Musk tente d'influencer l'élection allemande de février

Après Elon Musk le visionnaire, Elon Musk l’homme fort de Trump, place à Elon Musk le maître de l’échiquier politique européen. L’homme le plus riche de la planète veut devenir le roi du monde et ça se voit.
Et ça passe par l'Allemagne. Pourquoi l’Allemagne ? Peut-être parce que c’est là que se trouve la seule usine Tesla en Europe. Et Elon Musk a un plan: faire gagner l’AFD aux prochaines élections législatives de février. Le milliardaire n'est pourtant pas rancunnier, le parti d’extrême droite allemand s’était fermement opposé à l’implantation de son usine près de Berlin.
Mais ce qui plaît à Elon Musk, c’est le populisme de l’Afd, ce qu’il représente comme alternative à l’ordre établi. Après un tweet de soutien lapidaire mi-décembre, il a donc publié une grande tribune le week-end dernier dans un journal conservateur allemand. Il y explique pourquoi l’AFD est selon lui, je cite, “la seule étincelle d’espoir pour le pays”. Une Allemagne qu’il décrit "au bord de l’effondrement économique et culturel".
L'Allemagne dénonce une tentative de déstabilisation
Sa tribune provoque un tollé outre-Rhin. Les partis d’opposition, la presse dans son immense majorité, et le gouvernement dénonce une ingérence dans les affaires intérieures allemandes et une tentative de déstabilisation.
Christiane Hoffmann, porte-parole adjointe du gouvernement, précisait lundi la position de l’Allemagne sur le sujet: la tribune d’Elon Musk s’apparente à "une recommandation électorale pour un parti qui est surveillé" par le Renseignement intérieur allemand car soupçonné d’être d’extrême droite et reconnu comme tel par la justice. Voilà qui est dit.
"Vous, les citoyens, décidez (du résultat du vote). Ce ne sont pas les propriétaires des réseaux sociaux qui en décident", a déclaré le chancelier Olaf Scholz dans son allocution pour la nouvelle année qui doit être diffusée mardi soir.
Clash avec Thierry Breton
Des réactions aussi en France. Notamment celle de Thierry Breton. Dès la mi-décembre, l’ex-commissaire européen se fendait d’un tweet pour critiquer le soutien d’Elon Musk à l’AFD. Le milliardaire lui avait répondu en des termes très familiers que l’on pourrait traduire ainsi: "Frérot, le seule raison pour laquelle tu ne parles pas allemand ou russe c’est grâce à l’ingérence américaine".
Une passe d’armes qui trouve, en fait, sa source il y a plus d’un an. Lorsque Thierry Breton, alors commissaire européen, annonce l’ouverture d’enquête formelle contre le réseau X pour trois types d’infractions. L’organe de propagande d’Elon Musk est soupçonné de propager des contenus illicites et de la désinformation. C’est la première fois qu'une enquête de ce type est conduite en Europe. Et forcément, ça ne plaît pas, mais alors pas du tout au milliardaire. L’enquête est toujours en cours, et chaque infraction, si elle est caractérisée, pourra entraîner des amendes qui représentent 6% de son chiffre d’affaires mondial.
Royaume-Uni, Italie...
Elon Musk n’en est pas à son coup d’essai, il a un agenda politique pour le monde. Et il s’attaque régulièrement aux gouvernements étrangers sur son réseau social X, où il cumule plus de 200 millions d’abonnés.
Au Royaume-Uni, mi-décembre, il s’affiche aux côtés de l’emblématique Nigel Farage, défenseur du Brexit de la première heure, leader du parti d’extrême droite Reform UK. À l’issue, Elon Musk, futur ministre de l’Efficacité gouvernementale de l’administration Trump, envisage un soutien financier conséquent selon les informations du Times : 100 millions de dollars. Indignation au Royaume-Uni, où Elon Musk avait prédit l’été dernier une "guerre civile inévitable". Commentaire "injustifiable" pour le gouvernement britannique.
Ingérence aussi en Italie. Alors qu'un système de centres de rétention pour migrants est invalidé par la justice, une structure voulue par la leader d'extrême droite Giorgia Meloni, Elon Musk vole à son secours : "Le peuple italien vit-il dans une démocratie ou est-ce une autocratie non élue qui prend les décisions ?" avait réagi le patron de X. Des déclarations qui ont poussé le président italien Sergio Mattarella à appeler au "respect de la souveraineté" de son pays.
Que cherche Elon Musk au fond ? Possiblement un nouvel ordre mondial. Un modèle politique qui s’appuie sur une poignée d’entreprises technologiques comme SpaceX. Une oligarchie entrepreneuriale dans laquelle il serait, avec quelques autres, un acteur central des relations internationales. Elon Musk possède la grande majorité des satellites à orbite basse qui gravitent autour de la terre. Une constellation de 6.000 objets qui connectent, ou contrôlent diront certains, la planète.