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Comment les aides sociales ont été utilisées par les jihadistes français en Syrie et en Irak

Une femme en burqa en Syrie

Une femme en burqa en Syrie - LOUAI BESHARA / AFP

Selon le Figaro, 20% des jihadistes français percevraient ou auraient perçu des aides sociales après leur départ en Syrie ou en Irak.

Partir faire le jihad dans les rangs de l'Etat islamique, tout en percevant les aides sociales. C'est ce que révèle le Figaro jeudi. Des enquêteurs spécialistes du financement des organisations terroristes ont découvert une vaste "affaire internationale de collecteurs de fonds servant à financer Daesh". L'ensemble porterait sur au moins "deux millions d'euros, dont 500.000 euros seraient partis de France entre mi-2012 et mi-2017". En 2016, 420 virements frauduleux ont été mis au jour, et 190 expéditeurs ont été identifiés.

"A l’époque, je ne me rendais pas compte que ce n’était pas bien, que c’était hypocrite". Cette petite phrase est lâchée par Pierre Tricot lors de son procès devant le tribunal correctionnel de Paris en Janvier 2017. A la barre, ce Français qui a rejoint un groupe de combattants en Syrie en 2013 raconte comment il a demandé à sa femme de s’arranger pour continuer à toucher les allocations familiales et son RSA avant de quitter la France avec leurs enfants.

Un papier d’identité confié à un complice en France pour aller pointer à leur place

Comme ce couple, la plupart des familles qui sont parties rejoindre l’Etat Islamique se sont organisées pour percevoir encore sur place les allocations familiales, mais aussi le RSA ou le chômage. De l’argent versé par l’Etat Français. La technique était bien rodée. Pour celles ou ceux qui touchaient le RSA ou le chômage, c’est un papier d’identité qui a été confié à un complice en France pour aller pointer à leur place. Les allocations familiales, elles, ont continué à être versées sur les comptes bancaires. Si ces prestations sociales n’ont pas été arrêtée, c’est parce que pendant plus de trois ans, les organismes sociaux concernés n’ont jamais été informé du départ des familles ou des allocataires de l’assurance chômage.

Sur place, au cœur de l’Etat Islamique, impossible de retirer l’argent versé sur des comptes bancaires françaises. Alors, avant de quitter la France, les jihadistes français ont aussi laissé leur carte de retrait à un complice. Un membre de leur famille, un ami qui peut aller retirer en espèces les aides sociales. Cet argent est ensuite expédié en Turquie via des sociétés de transfert comme Western Union. 

Autre moyen d'améliorer l'ordinaire: les crédits à la consommation

Là-bas, un intermédiaire, une sorte de convoyeur, est chargé de récupérer la somme. Une fois, les billets en main, souvent quelques centaines d’euros, il contacte un autre intermédiaire installé lui en Syrie ou en Irak. Le premier intermédiaire indique au second qu’il a bien récupéré l’argent. Chacun prend une commission et remets ce qu’il reste en main propre aux jihadistes français. Un véritable système bancaire sans banque, de fait intraçable.

Selon nos informations, ces allocations familiales, le RSA et parfois le chômage ont surtout été utilisé pour améliorer le quotidien des français partis rejoindre l’Etat Islamique. Des Français et des Françaises surtout, qui ont du mal à s’adapter à la vie locale, aux privations liées à la guerre. A Raqqa ou à Mossoul, l’arrivée de l’Etat Islamique a fait grimper les prix dans les magasins. Chaque mois, l’organisation terroriste versait un salaire à chaque famille de combattants étrangers: 100 dollars pour un couple et 25 dollars en plus pour chaque enfant. Insuffisant visiblement pour les jihadistes français.

Autre moyen d'améliorer l'ordinaire: les crédits à la consommation. Avant de s'envoler pour la Syrie ou l'Irak, la majorité des femmes ont contracté plusieurs crédits à la consommation. 2 000 euros pour l'une, 5 000 euros pour l'autre. Pour être certaines d'obtenir ces crédits, elles ont utilisé des fausses fiches de salaires ou de fausses identités.

Céline Martelet