Dereck Chauvin reconnu coupable du meurtre de Georges Floyd: pourquoi parle-t-on d'un "verdict historique"?

EXPLIQUEZ-NOUS - La décision est tombée cette nuit dans l’affaire Georges Floyd. Le policier Dereck Chauvin est reconnu coupable de meurtre.

C’est un tournant dans d’histoire, un pas de géant vers la justice aux Etats-Unis selon les mots de Joe Biden. Dereck Chauvin, le policier qui avait posé son genou sur la gorge de George Floyd pendant de longues minutes, a été reconnu coupable des trois chefs d’accusation: meurtre, homicide involontaire et violence volontaire ayant entraîné la mort.

Le verdict a été suivi de scènes de liesse qui ont éclaté dans les rues de Minneapolis alors que la garde nationale avait été déployée en force dans les rues de la ville depuis plusieurs semaines. Les autorités craignaient qu’un acquittement provoque des manifestations et des violences. Il faut dire que le procès a été très suivi, il était filmé et diffusé en direct par la plupart des grands médias américains.

Georges Floyd, afro-américain, la quarantaine, costaud, est arrêté, sur la voie publique, pour avoir payé avec un faux billet de 20 dollars. C’était le 25 mai dernier à Minneapolis. Il est interpellé, menotté, plaqué à terre puisqu’il ne veut pas rentrer dans la voiture de police. Et là, commence une agonie qui va émouvoir le monde. Neuf minutes pendant lesquelles le policier Dereck Chauvin, blanc, 45 ans, maintien son genou sur le cou de George Floyd. Neuf minutes filmées par des passants, et pendant lesquelles, à 27 reprises, Georges Floyd dira “je ne peux pas respirer”. Il meurt quelques minutes plus tard.

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Le procès a duré un peu plus de 3 semaines. Qu’est-ce qu’on y a appris? D’un côté, la défense, qui estimait que Dereck Chauvin avait fait son travail, que George Floyd est décédé de problèmes cardiaques ajoutés à une consommation de drogues. Mais qu'il n’est pas décédé de son immobilisation par la police.

À l’opposé, le procureur, qui estimait que Dereck Chauvin n’avait aucune excuse, et qu’il a trahi son insigne. Dereck Chauvin, lui, n’a pas voulu témoigner, comme il en a le droit aux Etats Unis. On n’a donc pas entendu le son de sa voix.

Pourquoi est-ce que cette décision judiciaire suscitait autant de craintes?

Parce que c’est extrêmement rare qu’un policier soit condamné aux Etats Unis. Les policiers sont quasi-intouchables outre-Atlantique. D’abord, c’est très difficile d’obtenir un procès contre un policier. La loi les protège beaucoup plus qu’en France. Ensuite, si par miracle, vous obtenez un procès contre un policier, vous avez très peu de chance de le gagner. 98 policiers ont été arrêtés à cause d’une fusillade meurtrière entre 2013 et 2019, et trois seulement ont été condamnés.

En quoi l’affaire Floyd est-elle différente de toutes ces autres affaires dans lesquelles les policiers ont été acquittés? Elle est différente parce que la police elle-même n’a pas soutenu Dereck Chauvin, ni son supérieur, ni son syndicat, et ça, c’est quasiment inédit. Son supérieur a témoigné au cours du procès. Il a estimé qu’un billet contrefait de 20 euros ne justifiait pas un tel usage de la force. Et deuxièmement qu’une fois que Georges Floyd a cessé de résister, et qu’il a visiblement perdu connaissance, Dereck Chauvin n’avait plus de raison de le maintenir sous la pression de son genou.

Est-ce que cela va vraiment être un tournant dans l’Histoire?

Ce qui est sûr, c’est que les 12 jurés ont frappé fort avec cette décision prise en moins de 10 heures de délibéré. Le tournant de l’histoire, il est aussi dans les réactions qui ont suivies, celle de Joe Biden qui a dénoncé le racisme qui "entache" l'âme de l'Amérique.

L’enjeu est de taille. Selon le décompte du New York Times, depuis le début du procès Chauvin, le 29 mars, 64 personnes sont mortes aux mains de la police. Plus de la moitié étaient noires ou latino-américaines.

Que va-t-il se passer maintenant pour Dereck Chauvin? Cette nuit, dès l’annonce de la décision, il a été menotté et écroué. Mais il faudra attendre plusieurs semaines pour connaître sa peine. Il encourt entre 12 ans et 40 ans de prison.

Bérengère Bocquillon