"Expliquez-nous": pourquoi le procès Weinstein, qui se termine ce vendredi, est encore très indécis ?
Le procès d’Harvey Weinstein s'achève ce vendredi. Le producteur est jugé à New-York pour un viol et une agression sexuelle.
Jeudi, la parole était à la défense et à la fameuse avocate, Donna Rotunno, dite “la bouledogue des prétoires”. Déjà célèbre avant ce procès elle est devenue une star en trois semaines. Elle a déjà fait acquitter 40 hommes poursuivis pour des violences sexuelles et elle espère que Harvey Weinstein sera le 41e. “C’est un innocent qui est entré dans cette salle, c’est un innocent qui est devant vous. Vous devez l’acquitter, même si ce serait une décision impopulaire”.
Cette avocate de 42 ans a été au centre de ce procès ultra médiatisé. D’abord, parce que les jurés n’ont pas entendu le son de la voix de l’accusé. En effet, Harvey Weinstein a choisi une défense silencieuse. Ce qui est un droit aux Etats Unis. Il ne dit pas un mot pour se défendre, mais le procureur ne peut pas non plus lui poser une seule question.
Cette semaine, Weinstein a affirmé vouloir témoigner et répondre aux questions de l’accusation. Mais ces avocats l’ont pris à part, ils se sont enfermés avec lui une demi-heure et l’ont finalement convaincu qu’il avait plus à perdre qu'à gagner.
Une avocate qui "fait le show"
Weinstein silencieux, c’est donc Donna que l’on a entendu. Et elle a fait le show, avec ses vêtements de luxe, ses chaussures qu’elle est capable d’enlever pour plaider pieds nus, mais surtout avec ses certitudes et ces provocations. À l’audience, on lui a par exemple demandé si elle-même n’avait jamais été victime de violences sexuelles. Et elle a répondu : “sûrement pas, parce que je ne me mets jamais dans la situation d'être une victime. Quand on ne veut pas être violée, on ne rentre pas dans la chambre d'hôtel d’un homme”. Une phrase qui a fait hurler les féministes.
Après un début de procès défavorable à la défense, cette avocate a réussi à retourner la situation. Des débuts difficiles parce que la cour a d’abord entendu six femmes raconter ce que Weinstein leur avait fait. Les deux plaignantes, plus quatre femmes témoins. Et ces six témoignages ont été terribles. C’était le récit de faits extrêmement violents. Beaucoup plus difficiles à entendre que ce que l’on pouvait attendre.
Et puis la semaine dernière, Donna Rotunno a procédé au contre interrogatoire de la jeune ancienne actrice qui accuse Weinstein de viol. Et comme un bouledogue, elle l’a mordue et ne l’a plus lâchée. Elle a insisté sur le fait que la plaignante reconnaît avoir eu des relations sexuelles avec l’accusé après le viol. Elle a lu à l’audience des textos très gentils de la victime à l’accusé, envoyés après le viol. Elle lui souhaite bon anniversaire. Lui envoie son nouveau numéro en lui disant “appelle moi quand tu veux”.
Et l’avocate a finalement obtenu ce qu’elle voulait. La plaignante a craqué, éclaté en sanglots, incapable de répondre à d’autres questions. C’était peut-être le tournant du procès.
De nouveaux procès à venir
Après les plaidoiries de la défense jeudi, l’accusation a le dernier mot aujourd’hui. En France, c’est l’inverse, c’est toujours la défense qui parle en dernier. Ensuite, les jurés vont s’enfermer, mardi prochain pour commencer à délibérer. Ils sont sept hommes et cinq femmes. Pour condamner le producteur, il faut qu’ils parviennent à l’unanimité. Que 12 jurés sur 12, l’estiment coupable au-delà du doute raisonnable. C’est la formule. Pour éventuellement l’acquitter, c’est la même chose. Il faudrait l’unanimité.
Sinon, c’est l'échec du procès. Les jurés reviennent et annoncent qu’ils n’ont pas réussi à prononcer un verdict. Le procès est alors annulé. Et le procureur peut décider d’en organiser un nouveau ou pas. Il peut aussi abandonner les poursuites. La montagne aurait accouché d’une souris. On en n'est pas là à l'heure où on parle, le roi d'Hollywood risque encore la perpétuité.
Mais dans toutes les hypothèses, Harvey Weinstein n’en aurait pas fini avec la justice parce qu’il y aura de toute façon un procès civil. Et là, le producteur n’aurait plus le droit de garder le silence. Les avocats des plaignantes, les plaignantes elle-même, ou les témoins pourront l’apostropher et lui demander des comptes. Des comptes et d’immenses dommages et intérêts.
Et puis ensuite, il y aura aussi un deuxième procès pénal en Californie, puisque les plaintes de deux jeunes femmes ont été retenues à Los Angeles. L’affaire Weinstein n’est donc pas terminée. Elle passionne toujours autant l’Amérique, et même bien au-delà. Puisque c’est le procès de l’affaire #Metoo qui a eu un retentissement mondial.