Frédéric Leclerc-Imhoff, journaliste de BFMTV tué en Ukraine: la France dénonce un "double crime"
Un journaliste de BFMTV a été tué en Ukraine, ce lundi. Il s’appelait Frédéric Leclerc-Imhoff, il avait 32 ans. La France demande une enquête sur les circonstances de sa mort et dénonce un crime, et même un double crime, par la voix de Catherine Colonna, la ministre des Affaires étrangères, qui se trouvait en Ukraine ce lundi. Double crime parce que ce tir “russe” a visé un convoi humanitaire et a touché des journalistes…
L'équipe de BFMTV se trouvait dans le Donbass, à l'est de l’Ukraine. Un convoi devait tenter de rejoindre la ville de Lyssytchansk, qui est presque encerclée par les Russes. Pour faire simple, c’est le bout du bout, la dernière position ukrainienne au cœur de la plus grosse offensive russe du moment.
Le convoi prévoyait d’apporter de la nourriture et de repartir en évacuant des civils. L'équipe de BFMTV avait pris place dans un autobus qui ouvrait le convoi, un autobus blindé à l’avant. Frédéric Leclerc-Imhoff était assis à droite du chauffeur pour filmer la route. Un obus est tombé à proximité. Un éclat a traversé la vitre blindée et a mortellement touché Frédéric au cou.
Maxime Brandstaetter, journaliste à RMC et BFMTV, se trouvait juste derrière lui. Il a été légèrement blessé à la jambe, il est hors de danger. Leur interprète, Oksana Leuta, qui était prof de français à Kiev avant la guerre, se trouvait encore un peu plus à l'arrière et elle n’a pas été touchée.
Frédéric Leclerc-Imhoff accomplissait son deuxième reportage en Ukraine. Il avait fait un premier voyage en avril, déjà avec Maxime Brandstaetter. A son retour, il avait suivi une formation spécialisée pour les journalistes de guerre. Quatre jours en Normandie pendant lesquels on dort peu, on se lave peu et on s'entraîne à reconnaître le bruit des armes, à gérer le stress, on subit une fausse prise d’otage. Après cette expérience, il s'était très vite porté volontaire pour repartir en Ukraine. Expliquant que c'était pour lui l’essence de son métier.
Il avait 32 ans, pas d’enfant, était diplômé de l’institut du journalisme de Bordeaux Aquitaine. Il était pigiste par choix. Il voulait garder sa liberté et pouvoir alterner des tournages de documentaires, souvent sur des affaires judiciaires, et des contrats sur l’info brute. En l'occurrence, des reportages pour BFMTV en France ou à l’étranger.
L’hommage d’Emmanuel Macron
Tous ces amis de BFMTV décrivent un garçon extrêmement positif, bienveillant, souriant, qui ne s'énervait jamais. En Ukraine, il était très prudent. Il intervenait beaucoup sur les boucles WhatsApp où les journalistes échangent leurs tuyaux et leurs conseils, sur les routes à prendre ou les coins à éviter…
Sa mère a envoyé un message à Marc-Olivier Fogiel, le directeur de BFMTV, pour souligner son engagement et dire qu’elle est fière des choix faits par son fils. Emmanuel Macron lui a rendu hommage. Le président a rappelé qu'il était en Ukraine pour montrer la réalité de la guerre et il a redit le soutien inconditionnel de la France à ceux qui assurent comme lui la difficile mission d’informer. La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a salué son courage.
Quant au ministère des Affaires étrangères, il exige une enquête transparente dans les meilleurs délais pour faire toute la lumière sur ce drame. Une enquête qui sera réalisée par les Ukrainiens. En l'occurrence, par la procureure générale du pays qui a déjà sur son bureau environ 10.000 dossiers de possibles crimes de guerre. Mais la victime étant française, le parquet national antiterroriste, à Paris, s’est autosaisi et a confié l'enquête à l’office central de lutte contre les crimes contre l’humanité.
Frédéric Leclerc-Imhoff est le huitième journaliste tué depuis le début de la guerre. Huit morts, dont une majorité de reporters ukrainiens. Mais aussi un cameraman franco-irlandais, Pierre Zakrzewski, tué près de Kiev au début de la guerre. Le parquet antiterroriste s’est aussi saisi de son cas.
Au cours de ces dernières années, une trentaine de journalistes français sont morts sur des terrains de guerre. On peut citer Ghislaine Dupont et Claude Verlon, enlevés puis abattus par des djihadistes au Mali, Stéphane Villeneuve qui a sauté sur une mine dans la cour de récréation d’une école en Irak, Gilles Jacquier et Rémi Ochlik en Syrie, ou encore Pierre Billaud et Johanne Sutton, victimes d’une rafale de kalachnikov alors qu’ils se trouvaient sur un char en Afghanistan…