RMC
International
Exclusivité

"J’aurais pu mourir": le témoignage d’une Française sur l’attaque à la synagogue de Djerba

placeholder video
A Djerba (Tunisie), un tireur a tué deux gendarmes puis deux fidèles, dont un Français, devant la synagogue de la Ghriba ce mardi soir. Présente sur les lieux de l’attaque, Laureen témoigne au micro de RMC.

Des tirs ont fait quatre morts à Djerba (Tunisie), ce mardi soir. Un assaillant, un gendarme selon le ministère de l'Intérieur tunisien, a tué deux autres gendarmes et deux personnes devant la synagogue de la Ghriba, où étaient rassemblés des milliers de fidèles pour un pèlerinage juif. L’une des victimes est un Français de 42 ans, Benjamin Dan Haddad. Laureen, une avocate parisienne de 27 ans, était sur les lieux de l’attaque. Elle était à l’extérieur de la synagogue, avec quelques membres de sa famille, quand elle a entendu des coups de feu.

"On attendait les taxis, à 50 m de la synagogue, raconte-t-elle à RMC. On parlait de tout et de rien. Je voyais des enfants qui étaient en train de jouer. D’un coup, on entend des espèces de pétard. Et là, je vois les enfants courir. Ma cousine me dit: ‘Non, Laureen, ce n’est pas des pétards, c’est des coups de feu’. Je me tourne, je vois un policier se mettre à terre et commencer à tirer. On entend une rafale de coups de feu. Dans ce mouvement de panique, on commence tous à courir, à se cacher derrière les voitures. Je me souviens que je dis à mon frère: ‘Protège maman, prends-la’. Des familles étaient en train de se protéger mutuellement."

"On trouve une espèce de maison, on commence à y entrer, poursuit Laureen. Mais on se rend compte qu’on n’y rentre pas tous et que si le tireur vient, il fait une boucherie. On panique, on a tous très peur. Ma mère dit à des enfants, en arabe, de ne pas bouger, de ne pas aller vers la Ghriba. On appelle notre famille, on dit qu’il y a des coups de feu, on dit clairement nos derniers mots parce qu’on risque de mourir. On est à l’air libre, on ne comprend pas."

"Par miracle, il y a deux taxis qui arrivent"

Laureen et ses proches vont finalement pouvoir s’éloigner grâce à l’arrivée de taxis. "Par miracle, il y a deux taxis qui arrivent, il y a une famille qui part. On se retrouve moi, mon frère, ma mère, la cousine de ma mère, et peut-être une dizaine d’enfants qui vivent en Tunisie. C’est un gros mouvement de panique. On est seuls face à un tireur, potentiellement, il n’y a pas de policier autour de nous. On a peur. J’ai appelé un copain, je lui ai dit que j’avais peur. Par miracle, le taxi que la dame avait appelé est venu. On est monté. On a appelé ma tante (à l’intérieur de la synagogue), beaucoup plus âgée. On lui a dit: ‘Ne sortez pas’."

Au lendemain du drame, elle réalise avoir frôlé la mort. "Quand j’y repense, que je me refais le film, je me dis qu’à cinq minutes près, c’était mort… Si le taxi n’était pas venu… Ou si ma sœur était venue avec nous, car je serais restée là-bas parce qu’elle est enceinte. J’aurais pu mourir. On se rend compte qu’on a vraiment vu la mort. Moi, ce sont des images que je garderai à vie. Les enfants qui commencent à courir, les coups de feu…"

"Il y a beaucoup d’émotions, une prise de conscience de ce qu’on a vécu, ajoute Laureen. Il y a beaucoup de reconnaissance aussi, parce que ça aurait pu être pire. On se dit qu’on est des miraculés. On prie pour que tous ceux qui ont été tués puissent reposer en paix. On a beaucoup de peine aujourd’hui. Ça a été un évènement dramatique."

"Benjamin était là pour prier, ça aurait pu être nous"

Et Benjamin, tué lors de l’attaque, Laureen est certaine de l’avoir croisé lors du pèlerinage. "Je l’avais vu le jour même, le matin, confie-t-elle. Son visage m’est familier. Je le vois prier, dans la synagogue. J’ai parlé avec des personnes qui le connaissaient. Elles me disaient que sa femme est enceinte, que c’était une personne exceptionnelle, un homme respectable. C’est bouleversant, ça nous montre que la vie ne tient qu’à un fil. Benjamin était là pour prier, comme nous tous. Ça aurait pu être nous."

LP avec LBa