L'Allemagne, premier pollueur d'Europe, débranche ses dernières centrales nucléaires

La première centrale nucléaire allemande avait été inaugurée en 1966. À cette époque, déjà, des antinucléaires se mobilisaient avec leur slogan “Atomkraft ? Nein Dank”, se traduisant "Le nucléaire ? Non merci". Presque 60 ans après le début de leur combat, ces opposants obtiennent gain de cause. Plus aucune centrale nucléaire n'est en activité en Allemagne. Les trois dernières centrales d’Isar, Emsland et Neckarwestheim III ont été débranchées samedi soir à minuit.
La peur d'un second Fukushima
C’est la peur des accidents qui a poussé les Allemands à faire ce choix. Après la catastrophe de Tchernobyl en 1986, la gauche allemande a commencé à promouvoir la sortie du nucléaire. En 2001, Gerhard Schroder, le chancelier, l’a actée à long terme. Dix ans plus tard, en 2011, après l’accident de Fukushima au Japon, Angela Merkel, pro-nucléaire, change radicalement d’opinion. L'ancienne chancelière décide de fermer huit des 17 centrales allemandes dans l'année et de fermer les neuf dernières 11 ans plus tard.
Conséquence: l'Allemagne produit désormais son électricité de façon très polluante. Premier pollueur d’Europe, premier producteur de CO2… Le charbon représente un tiers de sa production électrique avec une cinquantaine de centrales en activité, dont la plus importante pollue, à elle seule, plus que le trafic aérien français. La part du gaz augmente également, malgré la coupure des gazoducs russes. L’Allemagne construit actuellement des centrales à gaz et des ports méthaniers pour importer, par exemple, le gaz de schiste américain, très polluant.
Berlin promet de tout miser sur les énergies renouvelables
Le charbon et le gaz ne devraient être que provisoires en Allemagne. Ils seront bientôt remplacés par le soleil, le vent ou l'hydrogène. En quelques années, la part du renouvelable est déjà passé de 4% à 50%. Une très importante progression, mais insuffisante. Pour tenir ses promesses et passer à 80% en 2030, l'Allemagne devait construire trois ou quatre éoliennes par jour... Une mission presque impossible.
C'est pour cette raison que Berlin a signé des accords avec le Maroc, le Congo, et l'Afrique du Sud pour construire des centrales solaires qui produiraient de l'hydrogène propre. L'idée est ensuite de la transporter vers l'Allemagne pour remplacer le gaz. Les Allemands travaillent aussi sur l’idée de récupérer le C02 à la sortie des cheminées des centrales à gaz pour ensuite le réutiliser ou l'enfouir sous la mer du Nord... Des idées auxquelles n'adhèrent pas certains experts, très sceptiques.
La France en désaccord
À ce sujet, la France et l'Allemagne ne sont clairement pas d'accord. Alors que l’Allemagne mise beaucoup sur l'hydrogène vert, c'est-à-dire l'hydrogène produit avec des énergies renouvelables, la France, au contraire, considère que le nucléaire est une source d'énergie non carbonée. Ce désaccord se traduit à Bruxelles par un véritable bras de fer entre Paris et Berlin, ne parvenant plus à se mettre d’accord sur toutes les questions énergétiques.
Tandis que les Allemands sont soutenus par les Autrichiens, les Belges et les Italiens, les Français ont réuni autour d’eux dix pays pro-nucléaires, avec notamment la Pologne, la Roumanie, les Pays-Bas, et la Finlande. Cette dernière a mis en service sa première centrale EPR (European Pressurized Reactor), de conception française, ce week-end. Certains entrent dans le nucléaire au moment où d'autres en sortent.