"L’Europe est en déclin… et il va falloir s’y habituer": l’avis tranché d’Arthur Chevallier

Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne et ancien président du Conseil italien, a remis un rapport sur la compétitivité de l’Europe. Et son constat est accablant: on décroche complétement. Ce déclin, il va falloir s’y habituer. "Pour la première fois depuis la guerre froide, l'Union européenne doit réellement craindre pour sa survie": ces mots, ce sont ceux de Mario Draghi. L’Europe est distancée par les Etats-Unis et la Chine. Ce rapport fait l’effet d’une bombe, mais, entre nous, c’est plutôt une confirmation qu’une information. Et du point de vue de la France, le déclin est évident depuis plusieurs années. C’est simple: tout n’était peut-être pas mieux avant, mais une chose est sûre, tout fonctionnait mieux. Et il y avait probablement des raisons à ça.
Tout ne va pas si mal… mais ça va nettement moins bien. Et il suffit d’en parler aux personnes de plus de 50 ans pour être convaincu. Elles décrivent toute une France qui, pour un trentenaire, ressemble littéralement à un film de science-fiction. On trouvait du travail en une demi-journée. Les loyers dans les villes ne coûtaient pas la moitié d’un salaire. Pour refaire un passeport, il fallait trois semaines, pas trois mois. Les hôpitaux n’étaient pas saturés. Et, comble du luxe, il y avait un prof dans chaque salle de classe. Cette dégradation de notre vie quotidienne, ce n’est pas une illusion, ce sont les preuves qu’on n’a plus les moyens de nos ambitions.
C’est le sens de l’histoire. Depuis le XVIIIe siècle, l’Europe domine sans partage. Elle a concentré les richesses, les savoir-faire, la connaissance, la puissance. Bref, elle a performé comme jamais dans tous les domaines. Les civilisations dominent chacune à leur tour. L’Empire romain, l’Empire chinois, l’Empire perse, l’Empire ottoman... Toutes des superpuissances qui ont décliné sans s’en rendre compte. La puissance, ce sont des cycles. Les peuples n’imaginent pas que ça puisse s’arrêter. Quand c’est le cas, et comme ça se produit très lentement, ils sont dans le déni et se disent que ça va passer. C’est à la fois la très bonne et la très mauvaise nouvelle de la vie: on s’habitue à tout.
"L’Europe est devenue un gigantesque musée, une ruine magnifique"
Jusqu’ici, l’Europe était dans le déni. Les signes annonciateurs ne manquaient pourtant pas. La Chine et le monde arabe se sont réveillés il y a 30 ans, et pas de façon discrète. Depuis, ils nous ont chassé de leurs régions, s’attaquent à nos valeurs et à nos intérêts. Mieux, ils nous achètent. Nos clubs de foot, nos aéroports, nos entreprises. On ne leur vend pas par plaisir, mais parce qu’ils ont plus d’argent que nous. L’Europe est devenue un gigantesque musée, une ruine magnifique qui provoque l’admiration du monde entier, mais ça ne suffit pas. Notre élégance et notre patrimoine, au fond, c’est tout ce qu’il nous reste.
Et politiquement, ce déclin se traduit par une crise de la démocratie libérale dans tous les pays ou presque. Regardez l’Union européenne: elle-même se croit éternelle, mais dès qu’elle n’a plus d’argent à distribuer, elle ne sait plus quoi faire. Les peuples finissent par se rendre compte de leur déclassement. Ils se mettent alors à chercher des coupables, les immigrés, les milliardaires, les technocrates… Et ils votent pour des partis populistes. Mais la seule responsable, c’est l’histoire. Après chaque ascension, il y a une chute. Un jour, nous reviendrons dans la course, mais les personnes autour de cette table ne le verront jamais.