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Plus de 5.000 morts: pourquoi le bilan du séisme en Turquie et en Syrie est aussi dramatique

Après le séisme de lundi et ses répliques, plus de 5.000 morts sont recensés en Turquie et en Syrie. Dans "Apolline Matin" ce mardi sur RMC et RMC Story, Nicolas Poincaré explique pourquoi le bilan est aussi dramatique dans cette région très compliquée.

Le bilan du tremblement de terre en Turquie et en Syrie ne cesse de s’alourdir, avec désormais plus de 5.000 morts et des dizaines de milliers de blessés. Une situation d’autant plus dramatique que le séisme a touché des zones en guerre.

Les épicentres des deux principaux séismes de magnitude 7.8 et 7.5 ce lundi se situent en Turquie dans des zones à majorité kurdes. Des territoires montagneux, lieux d’une guerre larvée entre les indépendantistes kurdes et l’état turc. Depuis des décennies, la répression répond à des attentats qui répondent à la répression.

Mais depuis 2011, la situation s’est encore compliquée avec l’arrivée de centaines de milliers de réfugiés syriens. Fuyant la guerre dans leur pays, ils se sont installés, ou plutôt on les a installés, majoritairement dans les villes proches de la Syrie, entre Gaziantep et Diyarbakir, les villes les plus touchées par le tremblement de terre. Au moins 3 millions de Syriens vivent là depuis plus de dix ans, pris en charge par la Turquie, mais grâce à un financement européen. Depuis 2016, l’Union européenne paye la Turquie pour qu’elle garde les réfugiés et qu’elle les empêche de gagner l'Europe.

Mais avec le temps, ces réfugiés sont de moins en moins acceptés par les populations locales, et en proie à de plus en plus d’hostilité. Ils sont surtout au cœur de la campagne présidentielle. Les élections ont lieu en mai prochain. Le président Erdogan n‘est pas sûr de sa réélection. Il promet d'accélérer les reconduites des Syriens dans leur pays. Et son opposition nationaliste en rajoute…

Bref, avant même le tremblement de terre, on était dans une zone de grande tension, avec une cohabitation très difficile entre trois communautés, les Turcs, les Kurdes et les réfugiés syriens.

Le séisme a fait des ravages dans des zones déjà ravagées

Plus au sud, en Syrie, la situation est encore plus compliquée en raison de la guerre qui dure depuis bientôt douze ans. Le Nord de la Syrie est totalement morcelé. Une partie est tenue par les forces kurdes, les Unités de protection du peuple, un parti très autoritaire, en guerre à la fois contre le régime de Damas et contre les Turcs.

Une autre zone, autour d’Idlib, est encore entre les mains des islamistes. C’est le dernier bastion des survivants de Daesh et Al Qaïda. Et on ne voit pas très bien qui pourrait amener de l’aide aux sinistrés du tremblement de terre dans cette zone. Les humanitaires, avec raison, vont craindre d'être enlevés s’ils s’y aventurent…

Le séisme a aussi touché des territoires autour de la ville d’Alep qui sont contrôlés par Bachar el-Assad avec l’aide de l'armée russe, qui a déjà commencé à venir en aide aux populations. Enfin, il y a les territoires en Syrie contrôlés par l'armée turque, qui a instauré une sorte de zone de sécurité et qui a commencé à y loger des réfugiés.

Et naturellement, tous les bâtiments qui ont été construits ces dernières années, au gré des mouvements de population, l’ont été de façon anarchique, sans tenir compte des risques sismiques. Le point commun entre tous ces territoires, c’est la misère, l'extrême pauvreté qui règne à cause de la guerre. Le séisme a fait des ravages dans des zones déjà ravagées.

Nicolas Poincaré