Pourquoi la mort de Ruth Bader Ginsburg provoque-t-elle un séisme politique aux Etats-Unis?

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Parce que c’était elle, éternelle combattante contre les discriminations sexistes. Plus elle vieillissait, plus elle était populaire auprès des plus jeunes, qui en avait fait une sorte de rock star et qui l’appelait par ses initiale R.B.G.
Mais sa disparition est surtout un événement politique parce que nous somme à 43 jours de l'élection américaine et que la question de son remplacement est désormais au centre de la campagne.
Il faut d’abord comprendre que la Cour suprême aux États-Unis, c’est l’instance au-dessus de tout qui tranche sur tout en dernier recours, sans appel possible.
Prenons un seul exemple: l’avortement. En France comme aux Etats-Unis, il a été autorisé au milieu des années 70. En France, c’était une décision politique. Le président Giscard d’Estaing l’avait décidé, sa ministre de la Santé Simone Veil a défendu la loi. Le parlement l’a votée.
Aux Etats-Unis pas du tout. C’est une femme, madame Roe, qui a porté plainte contre l’état du Texas, estimant que l’avortement relevait de sa vie privée. De plainte en recours, l'affaire est arrivée devant la cour suprême qui a donné raison à cette femme. Pour la petite histoire, madame Roe n’a jamais avorté, et elle est devenu ensuite une militante contre l’IVG. Mais en tous cas depuis cette décision de la cour suprême les états américains n’ont pas le droit d’interdire l’avortement.
C’est un exemple pour expliquer que les juges font la loi, alors que chez nous les politiques font la loi.
Et les juges sont nommés à vie
D'où l’importance des nominations et les débats que cela provoque à chaque fois. Le nouveau Doyen Clarence Thomas a été nommé par Georges Bush père en 1991. Il est archi-conservateur et pèse dans le débat depuis 28 ans.
La dernière nomination de Donald Trump avait suscité de vives polémiques. Brett Kavenaugh, très conservateur, très opposé à l’avortement, avait aussi été accusé de harcèlement sexuel par plusieurs collaboratrices. Sa nomination était difficilement passée, mais il avait été confirmé.
Et donc aujourd’hui, la Cour suprême compte 5 conservateurs, 3 démocrates et un siège vacant. Si Trump nomme un ou une juge Républicaine, l’Amérique aura alors une cour suprême conservatrice à 6 juges contre 3.
Et les Républicains auraient l’assurance de garder la majorité pour des années, peut être des décennies.
La question qui agite l’Amérique aujourd’hui: est-ce que Donald Trump est légitime pour nommer le ou la prochaine juge?
Sur le papier oui, c’est au président de designer les juges à la Cour suprême. Il dit qu’il va très rapidement choisir, certainement une femme et il en a absolument le droit.
Sauf qu’il y a quatre ans, Barack Obama était dans la même situation. Un juge était mort en février 2016, 8 mois avant l'élection. Obama avait nommé son successeur mais le sénat à majorité républicaine avait bloqué cette nomination. Parce que trop proche de l’élection.
Aujourd’hui, les mêmes sénateurs républicains vont devoir accorder à Donald Trump, à 40 jours de l'élection, ce qu’il avait refusé à Obama à 8 mois du scrutin. Deux sénatrices républicaines ont déjà prévenu qu’elles ne valideront pas le choix de Trump. Il en faudrait deux de plus pour tout bloquer.
Et dans ce cas, que se passera-t-il ?
Et bien il faudra attendre l’investiture du nouveau président en janvier prochain. Ce ou cette nouvelle juge sera nommé par Trump ou par Joe Biden en fonction du résultat. Mais la Cour suprême c’est aussi le dernier recours en matière électorale.
C’est elle qui devrait trancher en cas de contestations du résultat de l'élection présidentielle. C’est ce qui s'était passé en 2000, le résultat était incroyablement serré entre George Bush fils et le vice-président sortant Al Gore.
Tout se jouait sur deux bureaux de vote de Floride, qui pouvaient faire basculer l’élections. On a compté et recompté jusqu’au 12 décembre. Puis, la Cour suprême avait sifflé la fin de la récré et proclamé la victoire de Bush. Et Al Gore s’était démocratiquement incliné.
Cette année, le scénario d’une nouvelle contestation est tout à fait possible. Donald Trump a déjà fait savoir qu’il contestera le résultat si le vote par correspondance est trop favorable à Joe Biden. Et ce sont les juges de la Cour suprême qui risquent de devoir arbitrer. Et aujourd’hui il en manque un. Ils ne sont donc que 8 avec la possibilité de se retrouver à 4 contre 4 et de ne pas pouvoir trancher.
Voilà pourquoi la mort d’une juge vendredi est un événement considérable pour les Américains.