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Interprètes afghans: quand le gouvernement ne respecte pas sa promesse

DROIT DE SUITE - Chaque matin retour sur un sujet, un personnage, un lieu qui a marqué l'actualité de ces derniers mois. Aujourd'hui, retour sur la promesse du gouvernement de régulariser les interprètes afghans, ces civils qui ont choisi d'aider les soldats français pendant la guerre en Afghanistan.

Le 20 avril dernier, sur RMC, le porte-parole du gouvernement s'engageait : tous les interprètes Afghans qui en font la demande auront des cartes de séjour. "Il faut qu'on soit à la hauteur. La France a pris des engagements, bien sûr qu'elle tiendra sa promesse", avait assuré Stéphane Le Foll.

Les "interprètes afghans", ce sont ces civils, entre 700 et 800, qui ont travaillé (principalement comme traducteurs) pour les forces françaises en Afghanistan, jusqu'à leur départ du pays en décembre 2014. Des traitres, des ennemis, aux yeux des Talibans et des groupes terroristes proches de Daesh. Défiant la mort, une vingtaine d'interprètes ont manifesté en mars devant l'ambassade française à Kaboul pour réclamer le droit de venir en France.

"Rien ne bouge, personne ne répond"

En 2012, un premier groupe d'Afghans a été accueilli en France. Mais seulement 73 ont pu gagner l'hexagone sur plus de 200 candidatures. Après un accord conclu le 15 juillet dernier, un second groupe a pu déposer une nouvelle demande pour quitter l'Afghanistan et venir dans notre pays. Mais les demandeurs ne voient rien venir et s'inquiètent de leur sort. "On a passé plusieurs entretiens avec l'ambassade et le consulat. Mais rien ne bouge, personne ne répond", s'alarme ainsi Saïd, qui a déposé un dossier et a été entendu par l'ambassade de France le mois dernier.

Aucune réponse, et toujours, des menaces de mort. En attendant, Saïd se terre avec sa famille, depuis trois ans. Pour témoigner sur RMC, il s'est caché dans une arrière-boutique, à Kaboul, la capitale afghane. Il y a quelques mois, il a reçu ce courrier : "Vous êtes des espions, vous êtes les yeux des Français. Si je vous trouve, inch'Allah, votre assassinat est obligatoire". Selon l'un des interprètes interrogés par RMC, un interprète afghan qui travaillait pour les américains a été égorgé "il y a peu de temps", sans qu'il puisse préciser qui avait signé l'assassinat.

"Un manque de transparence sur ces dossiers"

"Le gouvernement a tenu une partie de sa promesse", explique Me Caroline Decroix, avocate au barreau de Paris, qui a fondé le collectif d'avocats français qui défend une cinquantaine d'interprètes. "En juin, on a permis aux interprètes de faire une nouvelle demande de visa, mais les entretiens se passent difficilement, tempère-t-elle. Ils sont entendus par l'ambassade de France à Kaboul. Mais au lieu de s'interroger sur les menaces qui pèsent sur eux, on continue de leur demander quelles seront leurs conditions financières en France, comment ils vont vivre en France, est-ce qu'ils vont trouver un travail, est-ce qu'ils ont les moyens de vivre sur le territoire français, vont-ils pouvoir payer leur billet d'avion ?... ". 

Des questions selon elle déconnectées du danger que courent sur place ceux qui ont fait le choix d'aider la France et ses soldats. "J'espère qu'on aura une délivrance massive de visa, mais je m'étonne qu'il y ait un manque de transparence sur ces dossiers et qu'on ait à nouveau des entretiens avec des questions qui n'ont pas lieu d'être".

Philippe Gril avec Pierre Rigo