RMC

L'ancien chef de Guantanamo convoqué par la justice: "Tout ce qui se passait là-bas, c'était lui"

Le Général Geoffrey D. Miller, qui a dirigé la prison de Guantanamo, de novembre 2002 à octobre 2004.

Le Général Geoffrey D. Miller, qui a dirigé la prison de Guantanamo, de novembre 2002 à octobre 2004. - Anja Niedringhaus - Pool / AFP

A la suite de la plainte déposée par deux anciens détenus français de Guantanamo, le Général américain Geoffroy Miller a été convoqué par la justice française le 1er mars, pour s'expliquer sur les mauvais traitements dont l'accuse les prisonniers. Sur RMC, Nizar Soussi, qui a passé presque trois ans à Guantanamo, accuse le général de mauvais traitements.

C'est une première en France. Un Général américain est convoqué par une juge française le 1er mars prochain, à 10h. Ce général, c'est Geoffrey Miller, 66 ans aujourd'hui. On ne connaît pas forcément son nom, mais c'est l'homme qui a dirigé la prison de Guantanamo, de novembre 2002 à octobre 2004. C'est dans ce camp militaire que les Américains ont envoyé ceux qu'ils considèrent comme des terroristes, et qu'ils ont arrêtés en Afghanistan, en Irak et au Pakistan.

À l'origine de cette convocation, la plainte pour mauvais traitement et séquestration déposée par deux ex-détenus français du camp américain. Partis en Afghanistan juste avant les attentats du 11 septembre, Mourad Benchellali et Nizar Soussi ont été arrêtés en fin 2001 avant d'être transférés vers Guantanamo. Âgés à l'époque d'une vingtaine d'années, ils y sont restés presque trois ans avant d'être renvoyés en France par la justice américaine qui ne retiendra aucune charge contre eux.

"Il passait nous voir dans les interrogatoires"

Cette convocation du Général Miller, pour Nizar Sassi, c'est la suite d'un long combat pour retrouver sa dignité. "Ils le mettent un peu dans la posture dans laquelle nous on a été, déclare-t-il sur RMC. Ça me fait un peu plaisir dans le sens où tout ce qui se passait là-bas, c'était lui. Il venait s'assurer lui-même que tout se passait bien. Il passait nous voir dans les interrogatoires. Ils m'ont fait subir un parcours inhumain, mais sans me connaître".

Un rapport d’experts des droits constitutionnels a pointé en février 2014 la volonté du Général Miller de faire de Guantánamo un "centre de recherche sur la torture".

Vers un mandat d'arrêt ?

C'est justement pour s'expliquer sur ces mauvais traitements que le général est convoqué en tant que témoin assisté en France. Une convocation que le général, à la retraite depuis 2006, a reçue à son domicile au Texas, mais à laquelle il ne devrait pas répondre. "Les Américains considèrent qu'aucun pays au monde, à part eux, n'est légitime à envisager des poursuites judiciaires contre les hauts fonctionnaires de la chaîne hiérarchique civile et militaire, explique Maitre William Bourdon, l'avocat de Nizar Sassi. Mais le fait qu'il soit convoqué comme témoin assisté peut nous permettre d'envisager de demander à la juge d'instruction de délivrer un mandat d'arrêt".
Un mandat d'arrêt qui pourrait donc être délivré contre le Général Miller à la demande de la justice française.

Guantanamo toujours pas fermée

Il reste encore aujourd'hui 104 détenus à Guantanamo. Barack Obama le 10 janvier dernier a répété qu'il tiendrait sa promesse de fermer le camp sur l'île de Cuba avant la fin de son mandat. En 13 ans, près de 800 hommes y ont été enfermés, pour certains sans inculpation ni procès.

P. G. avec Céline Martelet