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Les Juges d'application des peines invités par Manuel Valls à limiter les permissions de sortie

Manuel Valls a invité ce mercredi les juges d'application des peines à limiter les permissions de sortie des détenus à des cas très précis. Mais il oublie que les JAP sont souvent débordés et doivent par conséquent décider dans la précipitation, comme l'a constaté RMC.

Il fallait réagir. Après qu'un policier a été grièvement blessé par un détenu en cavale après une permission de sortie, et alors que plusieurs milliers de policiers ont manifesté ce mercredi sous les fenêtres du ministère de la Justice à Paris, Manuel Valls a annoncé plusieurs dispositions pour tenter de calmer la colère des forces de l'ordre. Parmi ces dispositions, le Premier ministre a annoncé son souhait d'"éviter" les permissions de sorties de détenus sans "nécessité avérée". Les permissions seront "recentrées" sur "le respect de la dignité humaine" (obsèques d'un parent, visite en cas de maladie grave...) et des "exigences du projet de réinsertion sociale" du détenu, a déclaré le chef du gouvernement.

Un message envoyé aux JAP, les Juges d'application des peines. Ce sont eux qui accordent les permissions de sortir. Du coup, à chaque fois qu'un détenu profite de sa permission pour se faire la malle, ils sont montrés du doigt, encore plus quand ce détenu se rend coupable de nouveaux délits ou s'en prennent aux policiers, comme le 5 octobre dernier en Seine-Saint-Denis.

"On a très peu de temps pour voir chaque dossier"

Sauf que les juges ne sont pas placés dans les meilleures dispositions pour trancher. C'est d'abord au sein d'une commission que se décident chaque mois les permissions de sortir. Le dossier du détenu y est étudié, ses surveillants de prison interrogés. Une fois le dossier du prisonnier constitué, le JAP l'étudie puis prend sa décision.

Un choix toujours compliqué, reconnait Céline Parisot, juge d'application des peines qu'a rencontré RMC. "On n'a pas énormément d'informations et surtout, on a très peu de temps pour étudier chaque dossier, raconte-t-elle. On en a des dizaines et des dizaines qui passent dans la même demi-journée. Et quand c'est noël, on a 250 demandes de permissions de sortie en même temps. Et la décision doit être prise tout de suite: c'est oui ou c'est non".

"Parfois on croise les doigts"

Alors, c'est vrai, Céline Parisot le reconnait, certaines décisions sont parfois prises dans le flou. "Par exemple, on va vérifier que l'employeur du détenu existe vraiment mais on va manquer de temps pour le joindre, ou alors on n'a pas eu le temps de vérifier la véracité du rendez-vous prétexté par le prisonnier. Parfois il y a des choses qui restent floues, donc quelque part on croise les doigts pour qu'effectivement les éléments que l'on nous a fournis soient avérés et que les choses se passent comme prévus". Un pari, heureusement rarement perdant. Car dans la quasi-totalité des cas, les choses se passent bien. Sur les près de 50.000 permissions de sorties accordées chaque année, 95.5% se déroulent normalement.

Indispensable pour limiter les risques de récidive

Pas question donc de les remettre en cause, estime Laurence Blisson, autre juge. "Compte tenu du fait qu'un détenu sortira un jour de prison après avoir purgé sa peine, l'idée principale de la permission c'est de préparer le détenu à cette sortie. Et pour que la société soit protégée, il faut qu'au moment où cette personne sorte de prison, elle ne soit pas sans emploi, sans famille et sans logement". Sous-entendu, la permission de sortie permet de poser les premières pierres d'une réinsertion réussie, diminuant d'autant le risque de récidive.

Philippe Gril avec Marie Régnier