Obsolescence programmée: "Les gens en ont marre d'acheter des produits qui tombent en panne"

- - AFP
Pascal Durand est député européen EELV.
"C'est important, c'est la première fois que le Parlement et donc l'Union européenne se saisit de manière frontale de cette question de l'obsolescence programmée et pas de manière sectorielle.
C'est une avancée très importante. Le fait que ce rapport ait été voté quasiment à l'unanimité envoie un signal très fort à la Commission européenne pour demander des propositions, des débats, des études sur cette question.
Le Comité économique et social européen (Cese) avait voté il y a deux ans un rapport à l'unanimité sur la question de la durée de vie des produits. Et quand je dis à l'unanimité, je parle des industriels, des distributeurs, les représentants des salariés, les ONG et les consommateurs. Ça prouve qu'il y a une approche que l'Europe doit avoir, et qui n'est pas nécessairement mise en œuvre dans les différents pays. En France, notamment, on est dans la logique d'une sanction pénale d'une obsolescence frauduleuse. Là, c'est le fait de dire qu'il y a une question majeure parce qu'elle touche l'économie, le social et évidemment l'environnement.
"Ce qui est important, c'est l'intérêt général"
Ce qui est important, c'est dire qu'il y a un intérêt général, saisissons-nous de cette question et arrêtons de faire l'autruche. Mon rapport a déjà vocation à faire cela: mettons-nous autour de la table et faisons-le de manière intelligente. Essayons de regarder si on ne peut pas mettre en place des durées d'usage pour certains produits. Par exemple, si on achète un réfrigérateur ou une automobile, ce n'est pas la même chose que si on achète un grille-pain.
Et pour le moment cette question n'est pas traitée. On est uniquement sur la garantie légale qui est la même pour tous les produits. Et ça peut marcher. Par exemple, l'iPhone, pendant des années, jusqu'à l'iPhone 5, avait des batteries collées. Donc impossible à remplacer, il fallait tout simplement changer de téléphone. Les associations de consommateurs américaines ont expliqué qu'elles allaient recommander à leurs adhérents d'acheter du Samsung et comme par hasard, Apple s'est mis à mettre des vis. Certes, ça coûte encore 150 euros de changer la batterie mais c'est toujours mieux que de changer d'iPhone.
Et ça on peut le décliner sur quasiment tous les objets, tous les modèles. Les consommateurs aussi en ont marre d'acheter des produits qui tombent en panne ou dont les pièces détachées ne sont pas disponibles. On peut contraindre les entreprises. Mais l'idéal serait de ne pas les contraindre et d'arriver à leur faire comprendre qu'à force de fabriquer les produits en Chine ou ailleurs, les gens vont acheter directement les marques chinoises. Les consommateurs ne sont pas bêtes: quitte à acheter des produits qui viennent de Chine, ils vont les payer moins cher.
"Les distributeurs aussi sont demandeurs de solutions"
Ce qui faisait la valeur ajoutée de l'Europe va crever. On a déjà la perte d'emplois, mais demain on aura aussi la perte des marques. Donc l'industrie européenne a intérêt à un moment à se remettre en cause.
Les distributeurs aussi sont demandeurs de solutions. Parce que soit ils sont obligés de vendre des garanties plus chères aux consommateurs, soit ils sont obligés de la prendre sur eux.
Il faut arriver à un mouvement global. Les choses avancent à partir du moment où vous mettez des gens autour d'une table et vous essayez de trouver les points d'accord qui peuvent les rassembler. J'espère que cette recommandation sera le point de départ de ce mouvement, car l'Europe a cette capacité que n'a pas nécessairement un pays qui est dans une logique politique. Là, ce sont des majorités d'idée et c'est comme ça qu'on arrive à avancer plus concrètement".