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Crise au "Canard Enchainé": "On m'interdit d'accès à mon bureau, on me prive de salaire" déplore Christophe Nobili

Les unes du Canard Enchaîné sur l'affaire Penelope Fillon, les 25 janvier et 1er février.

Les unes du Canard Enchaîné sur l'affaire Penelope Fillon, les 25 janvier et 1er février. - Christophe Archambault - AFP

Le journaliste Christophe Nobili, qui a révélé des soupçons d'emploi fictif au sein de l'hebdomaraire satirique, pourrait être licencié. Une partie de la rédaction proteste.

La crise s'enlise au "Canard enchaîné". Dans un courriel interne envoyé aux salariés dimanche soir, un membre du CA écrit: "le comité d'administration du Canard vient de prendre - à l'unanimité - une décision difficile. Une procédure pouvant conduire à un licenciement a été engagée à l'encontre de Christophe Nobili".

"On m'interdit d'accès à mon bureau, on me prive de salaire; en général, c'est quand un ouvrier brûle son usine qu'on fait ça", a déploré Christophe Nobili à l'AFP

Cet épisode marque une nouvelle étape dans la crise qui secoue depuis plusieurs mois cet hebdo centenaire. Titre emblématique, voire patrimonial, de la presse française, il est aussi célèbre pour ses calembours et ses caricatures que pour les nombreux scandales politiques et économiques qu'il a révélés.

Une enquête est ouverte

Courant 2022, Christophe Nobili avait dénoncé le fait que la compagne d'un ancien dessinateur et administrateur du Canard, André Escaro, ait bénéficié pendant 25 ans d'une rémunération du journal sans y avoir travaillé. Il avait déposé en mai une plainte contre X et une enquête pour "abus de biens sociaux" et "recel d'abus de biens sociaux" avait été ouverte.

Le 8 mars, il a sorti le livre "Cher Canard" (JCLattès), dans lequel il revient sur cette affaire qui a révélé des fractures au sein de la rédaction, sur fond de conflit entre générations. "Nous avons adressé à Christophe Nobili une lettre de convocation à un entretien préalable et avons décidé de le mettre à pied à titre conservatoire", est-il précisé dans le courriel interne dévoilé par Libération dimanche soir. "Cette décision a été prise après la parution de son livre, et ses multiples déclarations à la presse et dans les autres médias", poursuivent les administrateurs.

Un projet de licenciement dénoncé par une partie de la réfaction

Christophe Nobili a précisé à l'AFP que son entretien préalable aurait lieu vendredi. Ce projet de licenciement a été dénoncé par 27 membres de la rédaction dans une lettre interne lundi.

"Quelles que soient les réserves que chacune et chacun, au sein du journal, peut avoir à propos de l'ouvrage "Cher Canard" (...), nous, salariés du Canard enchaîné, estimons que ce projet de licenciement constitue une sanction totalement disproportionnée."

"Ce projet de licenciement a (...) été décidé au mépris du statut doublement protégé de Christophe Nobili, comme délégué syndical, membre du CSE et lanceur d'alerte", écrivent les signataires. "Ce n'est pas pour avoir lancé une alerte qu'il se fait virer mais pour avoir publié un livre pour lequel il a espionné la rédaction", a assuré, à l'inverse, à l'AFP un journaliste non-signataire de ce texte.

Pour lui, cet ouvrage s'inscrit dans le cadre d'une "lutte de pouvoir" pour la tête du journal et entraîne un "manque de confiance" envers son auteur. "Le "Canard" se prendrait-il pour Bolloré?", le milliardaire régulièrement accusé d'écarter des journalistes dans les médias qu'il contrôle, a pour sa part tonné le syndicat de journalistes SNJ-CGT. Christophe Nobili est son délégué syndical au sein de l'hebdo marqué à gauche.

En août, quand l'affaire avait éclaté publiquement, le comité d'administration du Canard avait contesté le terme d'emploi fictif au sujet de l'épouse d'André Escaro, tout en concédant le caractère "acrobatique" de ce montage. Statutairement à la retraite, André Escaro a continué à dessiner pour le Canard jusqu'en juin dernier mais la rémunération était touchée par sa femme, qui l'épaulait, avaient fait valoir les administrateurs.

Selon Christophe Nobili, cet argumentaire est marqué par "le déni" et est contradictoire avec "les valeurs qu'on défend, les leçons qu'on donne en permanence aux autres".

https://twitter.com/jamesabbott1 James Abbott avec AFP Journaliste RMC