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Elton John, Dua Lipa... Les artistes en colère contre un projet britannique sur l'IA: "C'est criminel"

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Le gouvernement britannique prévoit d'appliquer une exception au droit d'auteur facilitant l'utilisation de contenu à des fins commerciales pour les entreprises d'intelligence artificielle. Les artistes originaires du Royaume-Uni sont mobilisés contre, à l'instar d'Elton John, qui qualifie le projet de "criminel."

Des pop-stars britanniques contre le gouvernement. Le terrain de bataille: un projet de loi sur l'intelligence artificielle. Coldplay, Paul McCartney, Elton John, Dua Lipa... La liste est longue, mais il y a de quoi programmer un joli festival. Cette semaine, ils sont tous mobilisés contre un projet de loi britannique visant à développer l'intelligence artificielle. Ce texte assouplit la réglementation des droits d'auteur.

Sans être trop technique, rappelons que l'IA a besoin d’être entraînée, alimentée, éduquée. Cette loi permettra à des entreprises d’utiliser librement des chansons pour former leurs intelligences artificielles à des fins commerciales. Sans autorisation des artistes. Sans même les informer.

Le projet du gouvernement prévoit d'appliquer une exception au droit d'auteur facilitant l'utilisation de contenu à des fins commerciales pour les entreprises d'intelligence artificielle. Elles n'auraient ainsi plus besoin d'obtenir l'autorisation des auteurs, ni de les rémunérer. 

L'amendement voté par les Lords puis rejeté par les députés de la chambre des Communes, à majorité travailliste, prévoyait que les artistes donnent leur permission avant toute utilisation de leur oeuvre, et soient informés de l'usage qui en est fait.

"Des losers absolus"

Ces derniers jours, le ton est monté. Elton John y va très fort pour qualifier ce texte du gouvernement. "Trahison", "criminel", "vol à grande échelle"... Ce sont les mots qu’il a emploié dans une interview accordée à la BBC, dimanche. Le chanteur âgé 78 ans affirme vouloir défendre les jeunes artistes. Il avait soutenu les travaillistes au pouvoir aux dernières élections, il y a un an. Aujourd’hui, il parle de "losers absolus".

La mobilisation est générale. Il y a dix jours, le Premier ministre britannique Keir Starmer a reçu une lettre signée par plus de 400 artistes: Kate Bush, Noel Gallagher, Sting, Annie Lennox. La création est en péril, disent-ils. Un album silencieux a été publié par 1.000 artistes l’hiver dernier. Un album muet comme un monde sans musique.

La matinale 100% info et auditeurs. Tous les matins, Apolline de Malherbe décrypte l'actualité du jour dans la bonne humeur, avec un journal toutes les demies-heures, Charles Magnien, le relais des auditeurs, Emmanuel Lechypre pour l'économie, et Matthieu Belliard pour ses explications quotidennes. L'humoriste Arnaud Demanche vient compléter la bande avec deux rendez-vous à 7h20 et 8h20.
Le dossier compliqué par Matthieu Belliard : IA, la colère des artistes britanniques - 21/05
3:41

Si l’on lit les titres des chansons de l’album les uns après les autres, on obtient la phrase : "Le gouvernement britannique ne doit pas légaliser le vol de musique au profit des entreprises d’intelligence artificielle."

L'IA ne se contente pas de copier, elle singe

En France aussi, les musiciens sortent du silence. Au moment du sommet mondial sur l’intelligence artificielle était organisé à Paris en février, 34.000 artistes avaient signé une tribune pour appeler à protéger le droit d’auteur. La SACEM s’inquiète aussi. La Société française des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique plaide pour un encadrement clair de l’IA dans les processus de création.

Ce n’est pas un simple pillage qui inquiète les artistes. L’IA ne se contente pas de copier. Elle singe. Les voix et arrangements sont synthétisés. Des milliers de titres sont analysés pour composer et imiter à la chaîne

Les plateformes de streaming sont submergées de titres fabriqués par l’intelligence artificielle. 18 % des musiques chargées sur Deezer, soit 30.000 titres par jour. Alexis Lanternier, le patron de Deezer, veut organiser des filtres et alertait à ce sujet sur l'antenne de RMC le mois dernier.

Des enjeux économiques et course à l'innovation

L’ancien Beatles Paul McCartney est lui aussi mobilisé. Au mois de janvier, il insistait sur le fait que certains gagnent beaucoup d’argent avec ces procédés, et ce ne sont pas les artistes. Le gouvernement de Keir Starmer veut faire de son pays un paradis de l’IA. Ça rappelle le discours d’Emmanuel Macron. C’est une course qui est lancée aussi. Et pour plaire aux géants de la tech, c’est en fait une course à la dérégulation.

La ministre britannique à l’Économie numérique, Peter Kyle, l’assume : trop de contraintes, et les innovateurs iront voir ailleurs. Ce que les artistes dénoncent comme un vol, le gouvernement le présente comme un pari pour l’avenir.

Matthieu Belliard