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Jeanne Moreau était "dans le désir plutôt que dans la carrière" pour Eric Libiot

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- - Jeanne Moreau en 2008 à Paris. - Bertrand Guay - AFP

Après la mort de Jeanne Moreau ce lundi, Eric Libiot, critique de cinéma, se souvient d'une actrice "indépendante et libre" pour RMC.fr.

Eric Libiot, chef du service culture de L'Express, revient sur la longue carrière de Jeanne Moreau, comédienne "indépendante et libre", morte ce lundi à Paris à l'âge de 89 ans.

"Quand on regarde sa filmographie, on voit que Jeanne Moreau a commencé dans les années 50 et que son dernier film date de 2015. Elle a traversé à la fois la Nouvelle vague, le cinéma des années 50 et des années 70. Il y en a assez peu aujourd'hui qui ont eu une carrière aussi longue. Et surtout un éclectisme aussi passionnant que de tourner avec Luc Besson, Michelangelo Antonioni ou encore François Truffaut.

En général les actrices sont cantonnées à un univers précis de metteur en scène. Jeanne Moreau au contraire, était très indépendante. Elle choisissait ses rôles par curiosité, par désir plutôt que par volonté d'appartenir à une chapelle particulière. Elle n'avait pas d'étiquette elle n'était pas formatée, elle a joué aussi bien avec Jean Gabin dans Gas-oil, que dans Nikita de Luc Besson.

"C'était les personnages qui la guidaient"

On sentait que Jeanne Moreau était une femme et une actrice indépendante et libre. S'il y a un point commun avec tous ses personnages, c'est cette liberté et cette indépendance. On sentait qu'elle était dans le désir et le plaisir, plutôt qu'une carrière réfléchie. Elle ne se fichait pas des rôles mais disait que c'était les personnages qui la guidaient. Elle se fichait d'appartenir à un courant cinématographique particulier. C'est une des premières grandes stars de cinéma a avoir joué à la télévision.

Jeanne Moreau était quelqu'un d'une curiosité insatiable. Elle a traversé tellement d'époques qu'on en faisait une espèce d'icône à juste titre. Elle a travaillé les imaginaires de tous les spectateurs du monde et de toute les générations.

Simone Signoret "son miroir, sa grande soeur"

Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle, sorti en 1958, est selon moi le premier grand rôle de Jeanne Moreau, bien avant Jules et Jim de Truffaut.

Je retiendrai dans sa filmographie également Gas-oil, sorti en 1955. C'est une opposition de générations entre Jean Gabin, qualifié à l'époque d'acteur 'poussiéreux' par les cinéastes de la Nouvelle vague, et Jeanne Moreau toute jeune. Elle joue le rôle de la maîtresse de Jean Gabin, une femme très indépendante, très libre qui a une conception du couple assez singulière pour l'époque. Cela reflète tout à fait ce qu'elle sera dans les années qui viennent.

Jeanne Moreau c'était aussi la réalisation, avec Lumière et L'adolescente, deux films très étonnants, très personnels et très libres. Il n'y a pas tant de comédiennes qui ont réalisé des films dans les années 70. Elle a ouvert la voie dans ce sens-là. Dans son film L'Adolescente, sorti en 1979, on retrouve Simone Signoret, qu'on peut voir comme une grande soeur, un miroir de Jeanne Moreau. Simone Signoret était également indépendante, et éclectique. Peut-être plus politisée mais elle a eu le même type de carrière. Elles étaient le même type de femmes".

Propos recueillis par G.D.