Mystère autour d'une journaliste française imaginaire à la télévision publique chinoise
Les régimes autoritaires, ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît. Le site de la télévision d’Etat chinoise, CGTN, a publié cette semaine une longue tribune intitulée “Halte à la tyrannie des fake news”. Texte signé par Laurène Beaumond, présentée comme une journaliste française, diplômée de la Sorbonne, qui aurait travaillé dans plusieurs rédactions parisiennes et vécu 7 ans à Pékin.
La tribune dénonce les attaques de l’Union européenne, de la France, mais aussi de certains industriels contre la Chine, et en particulier au sujet de l’oppression des Ouïghours dans la province du Xinjiang. Les gens de cette région paraissent heureux, peut-on lire, les différentes communautés religieuses vivent en harmonie, le travail forcé est un mythe, la Chine serait victime d’un procès sans fondement, aucune preuve, aucun témoignage solide. Bref, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Ce texte aurait pu être écrit par le Parti communiste chinois.
La télévision d'Etat autorisée à émettre en France
Et de fait, il l’a sûrement été. Le journal Le Monde affirme que personne ne figure sous ce nom parmi les titulaires d’une carte de presse, une recherche approfondie sur internet ne permet de trouver aucune trace de son travail, aucun papier qu’elle aurait signé, aucune rédaction qui l’aurait employée. Vous avez donc bien compris, la Chine a inventé une journaliste française pour lui attribuer les éléments de langage du régime.
Le problème, c’est que cette télévision d’Etat a désormais le droit d’émettre en France. C’était, il y a à peine un mois, tout début mars, le CSA a officiellement autorisé la chaîne CGTN à diffuser ses programmes, et a ouvert la porte à une arrivée dans toute l’Europe.
Ainsi vont les règlements de l’UE, si une chaîne obtient la permission d’émettre dans un Etat, elle peut s’implanter de droit dans les autres. En février, le Royaume-Uni avait supprimé la licence de CGTN, une chaîne pourtant principalement anglophone, jugeant qu’elle était, je cite, “assujettie au Parti Communiste”