Affaire Baupin, vers la fin de l'omerta: "Arrêtons de faire l'autruche, regardons la vérité en face !"
Il se dit innocent. Denis Baupin a réagi lundi par la voix de ses avocats aux accusations de harcèlement et d'agression sexuels, révélées dans une enquête de France inter et de Mediapart. "Ce ne sont que des allégations mensongères et diffamatoires" selon les défenseurs du député de Paris. Mais dans le parti, le comportement de Denis Baupin était visiblement connu. Selon Elen Debost, victime présumée, beaucoup se seraient tues pour ne pas blesser Emmanuelle Cosse, l'actuelle ministre du Logement et épouse de Denis Baupin. Une certitude cependant: cette affaire met en lumière l'omerta qui règne sur les affaires sexuelles notamment dans le monde politique.
"Un monde façonné par et pour les hommes"
C'est pourquoi, Clémentine Autain, conseillère régionale Front de gauche, assure rester toujours vigilante: "Il arrive que les femmes se donnent des petits conseils du genre 'Celui-là, fais attention. Essaye de ne pas te retrouver dans l'ascenseur, seule avec lui car tu risques la main aux fesses'. Les femmes essaient d'être solidaires mais ce n'est pas toujours simple". Difficile compte tenu de la particularité du monde politique.
"C'est un monde qui a été façonné par et pour les hommes, rappelle-t-elle. Du coup, les hommes peuvent avoir des comportements de type paternalisme lubrique. On sent qu'il y a une sexualité prédatrice qui peut s'exprimer peut-être plus facilement qu'ailleurs". Mais les remarques ou gestes déplacés deviennent parfois du harcèlement. Donc de véritables délits. Pour l'ancienne ministre de l'Environnement, Corinne Lepage, les appareils politiques ont alors tout intérêt à étouffer les affaires.
"Ouvrons les yeux !"
"Quand un politique a des casseroles, c'est extrêmement utile, estime-t-elle. Cela permet en réalité de dire 'Si tu ne fais pas ceci ou cela, ça va sortir'. Ce qui permet donc de le tenir et il y a deux domaines privilégiés de chantage: le sexe et l'argent". Pour tenter de faire évoluer les mœurs, la pétition "Levons l'Omerta", relayée par Libération, a été lancée sur internet contre les violences sexuelles en politique.
Parmi les signataires, Caroline de Haas, militante féministe: "Tous les six mois, il y a un cas d'agression ou d'harcèlement sexuel de la part d'un élu qui tombe dans les médias et tous les six mois on s'en étonne, s'indigne-t-elle. Ouvrons les yeux: une femme sur cinq est victime d'harcèlement sexuel au travail ! Arrêtons de faire l'autruche, regardons la vérité en face !"
"Le monde politique jouit d'une grande impunité"
Selon elle, "les partis doivent mettre en place des cellules d'écoute, des dispositifs internes pour accompagner les femmes victimes de violence". Raquel Garrido, avocate au barreau de Paris et signataire de la tribune dans Libération, considère, pour sa part, que "le monde politique est un monde qui jouit d'une grande impunité". Et de s'en expliquer: "Les hommes politiques rendent peu de comptes et sentent qu'ils n'auront jamais à répondre de leurs actes. Mais maintenant ça suffit !"
"Ça suffit cette impunité, ça suffit ce silence, ça suffit cette façon de tout garder pour soi en se disant que si l'on parle on va nuire à son propre parti, poursuit-elle. Non, on ne nuit pas à son parti en dégageant ces hommes qui abusent de leur pouvoir, de leur préséance, de leur magister sur les jeunes militantes".