Attaques à Vienne: qu'est-ce qu'un "attentat-moustique"?
Ce mardi, l’Autriche pleurait ses morts, victimes du premier attentat islamiste à frapper le pays, alors que la piste d'assaillants en fuite était désormais écartée. A l'origine de cette attaque qui a fait quatre morts, un "sympathisant" du groupe jihadiste Etat islamique qui avait tenté de rejoindre la Syrie. Originaire de Macédoine du nord, Kujtim Fejzulai, tué lundi soir par la police, avait été condamné en 2019 à de la prison en Autriche mais il avait été libéré de manière anticipée, a expliqué le ministre de l'Intérieur, Karl Nehammer, devant la presse.
L'homme de 20 ans avait donc réussi à "tromper" le programme de déradicalisation et ceux qui étaient chargés de son suivi, a déploré le ministre. Il a visiblement agi seul, contrairement aux premières déclarations des autorités qui avaient lancé une chasse à l'homme pour retrouver d'autres suspects. Il n'y a pas de preuve à ce stade de l'existence d'un deuxième assaillant. Le ministre a par ailleurs annoncé 18 perquisitions et 14 interpellations dans la journée.
Invité de RMC, ce matin, Alain Bauer, spécialiste du terrorisme décrypte la situation: "L’Autriche est un pays qui a très fermement et très durement pris en compte la problématique du jihadisme parce qu'elle est un peu touchée en terme de départs mais aussi parce qu’elle a failli être victime, en 2019, d’un très important attentat avec un commando de trois personnes interpellées par la police avant de le commettre. Les trois étaient d’origine tchétchène".
"La police va devoir traiter beaucoup de signalements"
L'Autriche a "pris à bras le corps la question avec toute une série de décisions notamment visant à rendre la pratique de l’Islam indépendante d’un pays comme la Turquie par exemple, explique Alain Bauer. Il y a, là ,un pays qui a pris des décisions très rudes dont la pratique de la laïcité est le pluralisme religieux en contrat avec l’État".
Alors qu'une chasse à l'homme a été mise en place toute la nuit, "comme dans tous les autres pays, on compte beaucoup sur les habitants, les informateurs, explique-t-il. Les Viennois et les Autrichiens sont des gens qui ont une culture de l’ordre social extrêmement élevée. Donc la police va devoir traiter beaucoup de signalements".
"On a vu que beaucoup d'attentats étaient "inspirés par" mais plus "organisés par"
Pour le professeur en criminologie, l'État Islamique n'est certes plus aussi fort sur le terrain mais il garde une influence importante partout dans le monde.
"On a vu que beaucoup d'attentats étaient "inspirés par" mais plus "organisés par". Aujourd’hui, il y a 2 califats. Il y en a un, virtuel, qui a toujours été la marque de fabrique de l’État islamique dans sa capacité à se survivre à lui-même, même quand il était défait sur le terrain. On va attendre les messages qui auraient été postés sur les réseaux sociaux et éventuellement un communiqué de l’agence de presse de l’état islamique revendiquant ou pas cet attentat".
"Quel que soit le nombre de victimes, l’écho médiatique donné à l’attentat se suffit à lui-même"
"La stratégie de Daech a toujours été la même, ajoute Alain Bauer. Le ministre des attentats de l’EI avait parfaitement défini la position qui serait celle des attentats: premièrement, si vous pouvez rejoindre les espaces de combat Syrie/Irak, venez. Deuxièmement, si vous ne pouvez pas, commettez des attentats avec n’importe quoi, n’importe comment en groupe ou isolé parce que l’attentat, c’est de la violence.
Mais l’important, c’est la communication. Quel que soit le nombre de victimes, l’écho médiatique donné à l’attentat se suffit à lui-même pour faire ce que le terroriste s’est bien faire: terroriser les gens".
"Il y a eu 10 fois plus d’opérations anti terroriste après juillet 2016"
La forme des attentats en France et à travers l'Europe a changé. Le contre-terrorisme a beaucoup appris. C'est le cas en France puis juillet 2016 et l'attentat de Nice.
"Il faut saluer la brutale mais très honnête sincérité du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui dit "le problème n’est pas de savoir s’il y aura un attentat mais quand est ce qu’il y aura un attentat". La déstructuration des grands réseaux des gigas attentats de l’hyper terrorisme, grâce à l’efficacité retrouvé des services de police et de renseignement depuis l’attentat de Nice en juillet 2016, a amené à une très grande capacité à déstructurer les réseaux.
"Il y a eu 10 fois plus d’opérations anti-terroriste après juillet 2016. C’est un grand progrès mais du coup, on est dans des micros attentats avec des dispositifs très réduits d’une ou deux personnes plus difficiles à trouver. On va devant une capacité d’attentats dits "moustiques". On en attendait beaucoup plus et beaucoup plus vite. Ils arrivent en petits nombres mais de manière suffisamment répétés pour que ça produise l’effet recherché".
"Les caricatures de Charlie Hebdo "ne sont que des prétextes"
Pour Alain Bauer, les caricatures de Charlie Hebdo "ne sont que des prétextes et d’ailleurs depuis très longtemps. Si vous lisez la propagande, vous la voyez évoluer en fonction du temps. Ce sont des incitateurs qui surfent sur l’évènement. Parce que quand on a de moins en moins de soldats du califat, on s’adresse à n’importe qui en espérant qu’un ou deux aient l’esprit suffisamment dérangé pour partir au jihad. Et c’est très exactement ce qui est en train de se produire".