"Aujourd'hui, le seul fait d'accuser quelqu'un vaut condamnation": 114 avocates pénalistes appellent à respecter la présomption d’innocence
"Aujourd’hui, le seul fait d’accuser quelqu’un vaut condamnation": tel est l’accusation faite par Maître Delphine Meillet et 113 autres "femmes, avocates et pénalistes", dans une tribune publiée sur Le Monde.
L’objectif de cette tribune est d’essayer de "faire penser autrement les choses", affirme Maître Delphine Meillet.
"Une sorte de doxa règne aujourd’hui sur cette cause qui est la libération de la parole. Nous sommes évidemment pour cette libération de la parole de la femme, plus particulièrement en matière sexuelle. C’est difficile d’aller au commissariat pour dénoncer des faits. L’intérêt de ce mouvement est que les femmes qui en sont victimes iront plus facilement, on l’espère".
C’est pour rebondir sur la polémique autour de Roman Polanski que ces femmes ont décidé de prendre la parole. Polanski, récompensé par le César de la meilleure réalisation dimanche dernier pour son film "J'accuse", a été visé par plusieurs accusations de viols et agressions sexuelles ces dernières années pour des faits remontant à plusieurs décennies.
"La parole de la femme n’est pas sacrée"
Depuis une semaine, le milieu du cinéma français se déchire entre défenseurs de Polanski, qui critiquent la violence à son égard, et partisans de l'actrice Adèle Haenel, qui avait quitté la salle en signe de protestation au moment où le prix a été attribué au réalisateur.
Une situation, dénoncée par les signataires de la tribune: "Le tribunal de l’opinion est en train de régner. Un grand nombre d’hommes sont cloués au pilori. On les accuse sur les réseaux sociaux d’agressions sexuelles. Le seul fait de les accuser vaut condamnation dans la parole d’un grand nombre de femmes. La parole de la femme n’est pas sacrée, elle vaut autant que la parole de l’homme", explique l’avocate, invitée de Jean-Jacques Bourdin.
Pour Delphine Meillet, il est nécessaire de se concentrer sur les "deux grands principes qui fondent notre Etat de droit: la présomption d’innocence et la prescription".
"Vous n’êtes condamné que lorsqu’un tribunal vous a condamné définitivement, l’accusation n’est pas suffisante. Vous ne pouvez être condamné que dans un temps donné. On entend aujourd’hui qu’il faudrait que les agressions sexuelles deviennent imprescriptibles. Or aujourd’hui, seul le crime contre l’humanité est imprescriptible".