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Police-Justice

Corse: le secteur touristique victime d'une "épidémie" d'incendies criminels mafieux

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Des incendies criminels visant des bateaux se multiplient depuis plusieurs semaines sur l'Île de Beauté. Ces faits sont attribués à la mafia, qui voit dans le tourisme maritime un secteur propice pour leurs activités. Un pôle dédié à ces organisations devrait voir le jour en 2026.

Gérald Darmanin se rend en Corse ce jeudi 5 juin dans un contexte délicat. La ministre de la Justice rejoint l'Ile de Beauté alors que celle-ci est le théâtre d’incendies criminels mafieux qui touchent le secteur du tourisme.

Depuis quelques semaines, les exactions se multiplient. Cinq petits bateaux ont été détruits ce mardi à Calvi, puis un luxueux catamaran hier. D'autres faits similaires se sont produits dans les ports d'Ajaccio, de Saint Florent, de Bonifacio, de Bastia. Chaque fois, c'est le même mode opératoire et la justice privilégie la piste criminelle.

La presse décrit une "épidémie", tandis que la Chambre de commerce Corse décrit "un cycle mortifère".

Un secteur propice

Ces attaques ciblées ne visent pas les touristes, mais les entreprises qui en vivent.
Derrière ces balades en mer se trouve un marché juteux, et donc un terrain à conquérir.

Morts, blessés par balles, incendies, règlements de comptes... Dans les années 1990-2000 déjà, les promenades en mer avaient provoqué des conflits sanglants.

Le secteur est le milieu idéal pour blanchir de l'argent. "Vous embarquez dix clients, vous en déclarez vingt", déclare un expert à l'AFP.

Alors, les ports touristiques deviennent le théâtre d'une concurrence entre entreprises privées et organisations mafieuses qui veulent asseoir leur emprise. 

La visite de Gérald Darmanin intervient alors à quelques semaines du lancement de la saison, cruciale pour l'économie corse, qui repose à 40% sur le tourisme.

Une mafia qui n'est plus tabou

La reconnaissance officielle d’un phénomène mafieux sur l’île est récente. Elle vient après des décennies d’euphémismes, comme "crime organisé", "banditisme", "grand banditisme corse". Mais, depuis deux ans, les enquêtes judiciaires mettent des noms, des flux, des structures.

En avril 2024, dix personnes ont été mises en examen pour extorsion et blanchiment autour de la prise de contrôle d’un village vacances et d’une société de promenades en mer.

25 bandes criminelles étaient identifiées sur l'Île en 2022 dans une note confidentielle de la police nationale.

"Il y a une mafia en Corse, il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt", disait le procureur de Marseille, il y a un peu plus d'un an. Alors ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin avait enchaîné: "Oui, il existe des mafias en Corse, concentrées autour de la drogue."

La matinale 100% info et auditeurs. Tous les matins, Apolline de Malherbe décrypte l'actualité du jour dans la bonne humeur, avec un journal toutes les demies-heures, Charles Magnien, le relais des auditeurs, Emmanuel Lechypre pour l'économie, et Matthieu Belliard pour ses explications quotidennes. L'humoriste Arnaud Demanche vient compléter la bande avec deux rendez-vous à 7h20 et 8h20.
Le dossier compliqué par Matthieu Belliard : Corse, quand la criminalité gangrène le tourisme - 05/06
3:01

Lors de sa dernière visite, en février dernier, Gérald Darmanin avait promis la création d'un pôle anti-mafia. Un pôle judiciaire spécialisé, "une révolution de l'action de l'Etat contre le système mafieux insulaire", disait-il.

Il s'agirait d'une antenne locale, d'un pôle régional du parquet anticriminalité, qui doit voir le jour en 2026, fruit de la loi contre le narcotrafic qui vient d'être votée. Il se saisira des faits d'incendie criminel, d'extorsion, de trafic de stupéfiants.

Le ministre de la Justice a également annoncé des renforts en matière de personnel de justice: l'arrivée, dans les deux ans, de 17 magistrats, 21 greffiers et 12 attachés de justice spécialisés.

La riposte d'un collectif

Aujourd'hui, la Corse attend des éléments concrets. La société civile se mobilise, notamment du côté du collectif "Maffia No A Vita Ié", qui signifie "Non à la mafia, oui à la vie", fondé par un ancien indépendantiste du Front de libération nationale corse.

Le mouvement se dresse contre les dérives mafieuses. Il parle "d'attentats crapuleux" contre le tourisme maritime. "La nature de ces attaques révèle des pratiques mafieuses visant à ruiner pour mieux asseoir leur emprise", alerte-t-il.

Le collectif appelle aussi à changer les mentalités sur l'Île et "proscrire le culte de l’arme, la fascination pour les cagoules et les bandits", ainsi qu'à "lutter contre le régime de la peur."

En attendant, l'État veut reprendre la main sur ce terrain de chasse des mafieux. Une réforme est en cours et un établissement public du commerce et de l’industrie de Corse doit être créé pour 2026.

Cet organe va reprendre la gestion des ports et aéroports à la chambre de commerce. L'objectif: éviter les concurrences privées et les infiltrations mafieuses.

Matthieu Belliard avec Mélanie Hennebique