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Police-Justice

Coup d'envoi lundi de trois procès pour le cyberharcèlement massif de Magali Berdah

Magali Berdah

Magali Berdah - AFP

Ce lundi 27 novembre 2023, treize personnes seront jugées à Paris pour avoir participé au cyberharcèlement massif de Magali Berdah, la patronne d'une agence d'influenceurs.

"Sale chienne", "arnaqueuse", "on viendra t'égorger chez toi": treize personnes sont jugées à partir de lundi à Paris pour avoir participé au cyberharcèlement massif de Magali Berdah, la patronne d'une agence d'influenceurs, coup d'envoi d'une série de trois procès dans cette affaire d'ampleur inédite.

Au total, 28 personnes sont renvoyées devant le tribunal correctionnel dans cette procédure hors norme: 13 seront jugées du 27 novembre au 5 décembre, puis 15 autres lors de deux procès ultérieurs, mi-décembre puis fin janvier.

Des profils variés dans ce procès

Les personnes poursuivies, 26 hommes et deux femmes, âgés de 20 à 49 ans, résident dans toute la France. Parmi elles, 19 doivent également répondre de menaces de mort proférées sur Instagram.

L'ombre d'un 29e mis en cause planera sur les débats: celle du rappeur Booba, qui s'est lancé en 2022 dans une croisade contre Magali Berdah et contre ceux qu'il appelle les "influvoleurs" et accuse de multiples arnaques à l'encontre des internautes.

Dans une procédure distincte, Booba, de son vrai nom Elie Yaffa, a été mis en examen début octobre pour harcèlement moral en ligne aggravé et placé sous contrôle judiciaire. Ces investigations se poursuivent.

La victime, Magali Berdah, 42 ans, patronne de l'agence d'influenceurs Shauna Events, a été accusée par Booba de pratiques commerciales trompeuses. Des reproches qui alimentent un débat plus large sur le secteur des influenceurs, pour lequel le Parlement a voté une régulation en juin.

Cependant, quelles que soient les pratiques de Magali Berdah, "ça n'est certainement pas en la harcelant qu'on rend justice", souligne auprès de l'AFP l'un des ses conseils, Me Antonin Gravelin-Rodriguez. D'ailleurs, à une exception près, aucun des prévenus "n'a déclaré avoir été lui-même victime d'une quelconque escroquerie de la part de Mme Berdah ou d'un influenceur", relève l'avocat.

"Suicide-toi"

"Tu mérites d'être décapitée et lapidée", "suicide-toi", "que ta fille meure": dans cette "opération de harcèlement en meute", "on a dépassé toutes les limites de la liberté d'expression, avec des menaces de viol, de mort, parfois des injures antisémites crasses", dénonce sa consoeur Rachel-Flore Pardo, qui défend également Mme Berdah, aux côtés de Me David-Olivier Kaminski.

Très affectée psychologiquement par les "dizaines de milliers de messages" reçus, la plaignante, "attend beaucoup de ce procès". Elle "tente de se reconstruire, elle est combattive" et n'entend pas se retirer des réseaux sociaux, car "ce n'est pas aux victimes de disparaître: la honte doit changer de camp", insiste l'avocate.

Parmi les internautes mis en cause, certains sont poursuivis pour avoir envoyé plus de 70 messages haineux ou injurieux, d'autres un seul.

C'est la spécificité de cette infraction de cyberharcèlement, créée par une loi de 2018: elle peut être constituée dès lors que plusieurs personnes, s'en prenant à une même victime, savent que leurs propos ou comportements caractérisent une répétition, sans que chacune de ces personnes aient agi de façon répétée ou concertée.

"Impossible de traduire en justice l'intégralité des auteurs"

"C'est la masse" de messages adressés à la victime "qui crée le harcèlement", résume Me Martin Méchin, qui défend un prévenu.

Seul un faible nombre de harceleurs ont été identifiés et renvoyés devant le tribunal, estime l'avocat: "On en prend une petite partie pour faire un exemple (...). Pour chacun, on peut se demander 'pourquoi lui et pas les autres ?'", s'interroge le défenseur.

Pour son confrère de la partie civile, Me Antonin Gravelin-Rodriguez, il est de toute façon "impossible de traduire en justice l'intégralité des auteurs, trop nombreux". Des dizaines d'entre eux "restent impunis, et chez eux le sentiment de toute puissance reste très prégnant", déplore l'avocat.

Après une première vague d'interpellations en octobre 2022, le "calvaire" de Magali Berdah sur les réseaux sociaux "a continué jusqu'à l'été 2023".

"Depuis, ça s'est un peu calmé, mais on n'est jamais à l'abri que ça reparte", soupire-t-il.
CA avec AFP