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Culture et loisirs en prison: "Ça nous permet de nous évader", soutient un ancien détenu

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Les activités ludiques en prison font souvent polémique et Gérald Darmanin a annoncé en février l'arrêt de plusieurs d'entre elles. Aux Beaumettes, à Marseille, un théâtre va bientôt voir le jour. "Les grands bandits s'en fichent de ces activités. Elles sont faites pour nous", a soutenu un ancien détenu sur RMC.

Avec 81.599 détenus recensés au 1er février, les prisons françaises n'ont jamais connu un nombre aussi élevé de personnes incarcérées, selon des chiffres obtenus samedi auprès du ministère de la Justice. À cette date, les prisons françaises comptaient 81.599 détenus pour seulement 62.363 places opérationnelles, soit une densité carcérale globale de 130,8%.

À Marseille, la prison des Beaumettes va bientôt s'agrandir, avec l'inauguration du secteur Beaumettes 3 qui offrira 700 nouvelles places de prison mais aussi un théâtre, rapporte Europe 1. "Comment on peut valider un théâtre ? Ça nous prend la place d'un bâtiment !", a dénoncé Cathy Forzi, surveillante et membre de FO justice.

Darmanin a ordonné l'arrêt de certaines activités ludiques

Régulièrement, les activités culturelles ou de détente proposées aux détenus font polémique et interrogent sur le rôle des prisons. Le mois dernier, le ministre de la Justice Gérald Darmanin est monté au créneau, déclarant avoir ordonné l'arrêt de "toutes les activités ludiques" en prison qui ne concernent pas l’éducation, la langue française ou le sport.

Une décision à la suite des soins du visage offerts à des détenus à la maison d'arrêt de Toulouse-Seysses. Dans un autre registre mais qui avait grand bruit aussi à l'époque, une course de karting avait été organisée à la prison de Fresnes en 2022.

"En prison, les gens lambda n'ont pas de téléphone"

Théâtre, concert, ateliers d'écriture etc..., "ces activités sont faites pour nous", assure Kévin sur RMC. "Il faut s'y inscrire. Les grands bandits s'en fichent des activités. Ca ne les intéresse pas", poursuit cet ancien détenu au micro des Grandes Gueules.

"C'est pour les gens comme nous qui se retrouvent au milieu des loups, des meurtriers, de ceux qui ont violé... On est là pour 1 an, pour escroquerie ou menus larcins. Ça nous permet de nous évader. Il ne faut pas croire que les gens lambda en prison ont des téléphones et ont ce qu'ils veulent. Parfois, on ne peut même pas sortir de cellule tellement c'est compliqué", a ensuite développé Kévin.

L'ancien détenu a évoqué "deux mondes" en prison et a plaidé pour une "séparation des détenus". Justement, "nous aurons deux établissements de haute sécurité cette année", à savoir celle de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) et celle de Condé-sur-Sarthe (Orne), "ça fait 200 narcotrafiquants qui, d'ici le 15 octobre, seront totalement à l'isolement du reste de la société", a déclaré le 6 mars dernier sur France 2 Gérald Darmanin.

Une vision partagée par l'éducateur Etienne Liébig et chroniqueur aux Grandes Gueules . "Il y a un manque de réalisme par rapport à la population carcérale. Il y a tous les niveaux. Certains vont sortir bientôt. Est-ce qu'il faut totalement désocialiser ces gens-là, au risque que quand ils sortent, ils soient totalement cassés?", s'est-il interrogé.

"Si on les condamne à 5-6 ans, c'est qu'on veut qu'ils sortent, tant qu'ils ne récidivent pas", explique Etienne Liébig qui soutient le rôle de la réinsertion auprès des détenus.

"La prison punit mais travaille à la réinsertion"

"La prison a vocation à punir, mais aussi à permettre la réinsertion des détenus. [...] l'administration pénitentiaire travaille à la réinsertion des prisonniers, et cela passe justement par des activités sportives, intellectuelles et surtout ludiques organisées au quotidien pour préparer les détenus avant leur sortie", expliquait Arnaud Philippe, chercheur et spécialiste de la justice pénale, auprès de Franceinfo à l'époque de la polémique du karting à Fresnes.

"L'objectif est à la fois d'éviter les suicides durant la période de détention et que le détenu ne soit pas devenu un monstre durant son passage en prison", soulignait-t-il. Car sinon, "on prend une décision différente, on enferme ces gens et ils ne sortiront jamais, ils crèveront là", estime de son côté Etienne Liébig.

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