D. Rizet: "Pour la première fois, des policiers indépendants de leurs syndicats manifestent leur colère"

Dominique Rizet - capture écran
"Au départ, la police s'est toujours exprimée par la voix de ses syndicats, qu'ils soient de droite ou de gauche. Ce sont toujours eux qui officiellement ont porté la parole, les revendications des policiers. Pour la première fois dans l'histoire de la police, des 'indépendants' se sont réunis dans la rue, se sont concertés et ont décidé de manifester leur colère. Il y a toujours un élément catalyseur, déclencheur et cette fois-ci c'est l'affaire des cocktails Molotov lancés sur des policiers à Grigny.
Ce sont d'abord des policiers des Alpes-Maritimes qui ont démarré, qui sont allés marcher, se sont réunis, pour soutenir leurs collègues blessés. Très rapidement, dans les heures qui ont suivi, des policiers de l'Essonne, département dans lequel s'est passé l'agression, se sont à leur tour réunis. L'idée était d'aller à l'hôpital Saint-Louis, indépendamment des syndicats, pour soutenir les policiers blessés, brûlés hospitalisés là-bas, dont un est resté pendant très longtemps entre la vie et la mort.
Enquête administrative
Le mouvement s'est rapidement fédéré sur les réseaux sociaux et il y a eu plusieurs points de départ. Il y en a eu un à Corbeil-Essonnes ou encore à côté d'Anthony (Hauts-de-Seine) … De plus en plus de policiers, avec leur voiture personnelle ou en voiture de service, se sont retrouvés devant l'hôpital Saint-Louis, d'où ils sont partis vers les Champs-Elysées. Ils ont marché jusqu'à l'Arc de Triomphe et se sont recueillis devant.
Il y a eu une réaction immédiate de la Direction générale de la police nationale par le biais de son directeur, Jean-Marc Falcone. Il a ordonné une enquête administrative pour savoir qui sont ces policiers qui utilisent les voitures de service, qui sont peut-être en service à ce moment-là, qui se réunissent en dehors de toute initiative syndicale pour faire ça. Il annonce donc des sanctions administratives. Le lendemain soir, il va à une réunion avec des policiers à l'hôtel de police d'Evry. Là, des policiers l'empêchent de sortir, ce que je n'avais jamais vu en 35 ans de métier et en ayant travaillé sous 19 ministres de l'Intérieur.
L'importance des syndicats
Jean-Marc Falcone se fait insulter, sors sous les huées, sa voiture est bloquée. Deux-trois policiers tapent sur le capot, d'autres les retiennent mais les policiers font face à un directeur général complètement sourd à la colère. Il s'enferme dans sa voiture, ne sort pas et s'en va. C'est le deuxième point de départ. A partir de là, la manifestation prend de l'ampleur.
A ce moment-là, les syndicats vont vouloir eux aussi entrer dans la danse. Mais les policiers 'indépendants' n'en veulent pas. Parce que la plupart d'entre eux ont déjà été syndiqués mais ils en ont été déçus. Ils en dénoncent l'affairisme et le clientélisme. C'est vrai que les syndicats ont beaucoup de pouvoir et sont indispensables dans la police car ce sont eux qui vont aux réunions avec les comités, qui sont installés dans les commissions d'avancement paritaire. Ce sont eux qui font les carrières des policiers et leur obtiennent des mutations.
Quel avenir pour les "indépendants"?
Ceux qui n'en obtiennent pas, qui ne passent pas au grade supérieur, attendent trop longtemps, considèrent que les syndicats auxquels ils ont adhéré les ont trahis. Ils veulent donc rester indépendants. D'où, les deux manifestations de ce mercredi et la rencontre des syndicats avec François Hollande. Les 'indépendants' veulent aussi le rencontrer avec le ministre de l'Intérieur. Est-ce que ça va se faire? La question est posée. Qui va être leurs représentants et que va devenir ce mouvement?
S'ils veulent continuer à exister, ils sont obligés de se regrouper et quelque part de devenir un syndicat. Parce que jamais le ministère acceptera de recevoir les syndicats classiques (SGP, Unsa, Alliance) et cinq personnes ne représentant aucun syndicat et dont le ministère pensera qu'ils sont incontrôlables et qu'ils peuvent à tout moment se lever et claquer la porte".