Des e-mails et des doutes: ce que révèlent les derniers jours de Samuel Paty
Le journal Le Monde révèle les mails que se sont échangés Samuel Paty et ses collègues juste avant son assassinat. Des courriers qui montrent le désarroi du professeur d’histoire de Conflans saint Honorine.
On y apprend, les doutes du professeur Paty dans les jours qui ont précédés son assassinat. C’est une boucle de mail comme il en existe dans tous les établissements scolaires. Les échanges commencent le 8 octobre, deux jours après le fameux cours ou une caricature de Mahomet a été montrée à des élèves de quatrième. La principale informe les professeurs que les choses sont en train de mal tourner.
Elle écrit : “la situation relative à votre cours sur la liberté de la presse s’est aggravée aujourd’hui. Un individu a menacé de faire venir des musulmans devant le collège et d’alerter la presse”.
Dans sa réponse Samuel Paty, semble désabusé. Il écrit: “l’absurdité de la situation tourne au comique”. Et il s'étonne: “C’est d’autant plus affligeant que cela provient d’une famille dont l’enfant n’a pas assisté à mon cours. Cela devient une rumeur malfaisante”.
Dans ces messages, Samuel Paty indique qu’il pense renoncer à l’avenir à son cours sur la liberté d'expression et les caricatures. Il écrit sans doute ironiquement: “L’année prochaine je travaillerai sur la censure d’internet en Chine”. Sous-entendu, je ne prendrai plus de risque. Il ajoute: “Je ne ferai plus de séquences sur ce thème, je choisirai une autre liberté comme objet de séquence”.
À ce stade, ce qui fait débat dans le collège, ce n’est pas d’avoir montré les caricatures, c’est d’avoir proposé aux élèves musulmans de sortir de la classe pour ne pas être choqué.
Le vendredi 9 octobre, la principale explique ce qui s’est passé. Dans le but de protéger les enfants, Samuel Paty leur a proposé de sortir quelques minutes ou de détourner le regard quelques secondes. Mais elle ajoute: “Sans vouloir froisser qui que ce soit, il a tout de même froissé”.
Et la principale poursuit: “Monsieur Paty a tout de suite reconnu sa maladresse. Il a vécu une semaine difficile, il est important qu’il puisse compter sur chacun d’entre nous”.
Deux enseignants, pourtant, vont se montrer très critiques
Pendant le week-end, le débat se poursuit par mail entre enseignants. Une professeure expérimentée écrit: “Je ne soutiens pas notre collègue. Il a mis en danger la communauté éducative”. Un autre prof ajoute: “on ne met pas des élèves dehors parce qu’il pratique telle ou telle religion. Mon éthique m’interdit de me rendre complice de ce genre de chose”.
Alors comment Samuel Paty a-t-il réagi à ces critiques ? Très mal, surtout à ce dernier message. Il indique qu’il va faire constater ces propos par un huissier. Pour servir de preuve au cas où. Cela relève une ambiance très tendue. Et puis par un long message à ses collègues posté le dimanche soir à 22 heures. Samuel Paty revient sur les faits. Il admet avoir montré une caricature “trash” pendant quelques secondes et confirme qu'il a proposé de sortir aux élèves que cela aurait pu choquer. Pas seulement aux élèves musulmans.
Il affirme avoir n’avoir rien fait d'interdit, mais il apparaît qu’il n’est pas sûr de lui. “J’avoue cependant que c’est confus et très maladroit”, explique-t-il. Il précise s'être excusé auprès d’une mère d'élève par téléphone. Il ajoute. “J'aurais dû éviter une erreur humaine.”
C’est le plus touchant dans ces mails révélés par Le Monde. Ils nous apprennent que cinq jours avant sa mort, Samuel Paty doutait.
En revanche, Samuel Paty était bien conscient qu’il faisait l’objet d’une cabale
Toujours dans ces échanges avec ses collègues, il leur explique: “Il y a une élève qui a raconté n’importe quoi à son père sur le cours, sans y avoir assisté. Son père semble d’opinion radicale”.
Samuel Paty précise que le parent d'élève a porté plainte contre lui et le met en cause dans une vidéo. Mais le collège et lui ont aussi porté plainte.
Dans la semaine qui suit, il y peu de mails échangés, si ce n’est des messages de soutien des profs à Samuel Paty, l’affaire semble se calmer. Mais le vendredi, la principale envoie un dernier mail intitulé : “terrible nouvelle”. Le prof a été décapité.