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Edouard Balladur devant la Cour de Justice de la République: ce qu'il faut savoir

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EXPLIQUEZ-NOUS - Un ancien Premier ministre et un ancien ministre de la Défense sont jugés à partir de ce mardi. Edouard Balladur et François Léotard comparaissent devant la Cour de justice de la république pour le financement occulte de la campagne présidentielle de 1995.

C’est une très grosse affaire, un scandale politico-financier, un polar où il est question de vente d’armes et de valises de billets. Une affaire très grave, très simple, mais malheureusement aussi très ancienne. On va juger deux vieux messieurs pour ce qu’ils ont fait il y a 26 ans.

Edouard Balladur, a aujourd’hui 91 ans, il devrait être présent à l’ouverture mais a prévenu qu’il ne pourrait pas assister a toutes les audiences. L’autre accusé, François Léotard, l’ancien jeune loup de la droite, qui n’est plus si jeune. Il a 78 ans, et il est actuellement malade. Sa présence au tribunal n’est pas certaine.

Que reproche t-on aux deux anciens ministres ?

Une sacré magouille. En 1994, Edouard Balladur est Premier ministre et candidat à la présidentielle. Seulement en se présentant, il a trahi son ami de 30 ans Jacques Chirac qui tient le RPR et les caisses du parti gaulliste. Edouard Balladur est le favori des sondages mais il n'a pas un sou pour financer sa campagne.

Au même moment, la France signe deux gros contrats de vente d’armes, des frégates pour l'Arabie saoudite et des sous-marins pour le Pakistan. Deux intermédiaires dont le célèbre Ziad Takieddine entrent dans le dossier et reçoivent d'énormes commissions.

On s'apercevra plus tard qu’il n’ont joué aucun rôle dans la signature des contrats. S’il ont été rémunérés c’est principalement pour rendre une partie de l’argent et financer la campagne électorale.

Tous ces faits ont été démontrés par l’instruction du juge van Ruymbeke

Oui, par exemple, en avril 95, juste après le premier tour et la défaite d’Edouard Balladur, Ziad Takieddine retire 10,5 millions de francs d’un de ses comptes en Suisse. Et trois jours plus tard, exactement la même somme a été déposée en liquide sur le compte de campagne d’Edouard Balladur. C’était principalement des billets de 500 francs.

Un des trésoriers de la campagne, l’élu parisien René Galy-Déjean a raconté aux enquêteurs qu’il avait compté les liasses sur une table de cuisine, qu’il n’avait jamais vu autant d’argent.

Et ce n’est pourtant qu’une petite partie émergée de l’iceberg. On parle dans cette épisode de 1,5 million d’euros alors que Ziad Takieddine et son compère saoudien ont touché en tout 600 millions d'euros sur ces contrats et les suivants.

A l’époque, comment l'équipe du candidat a justifié ces entrées d’argent liquide

Dans les comptes de campagnes présentés pour validation au conseil constitutionnel, il était écrit que tous ces billets de 500 francs provenaient de la vente des tee-shirts et des pins pendant les meetings. Autant dire que l’équipe Balladur avait pris les sages du conseil constitutionnel pour des imbéciles, et que ces sages avaient accepté d'être pris pour des crétins puisqu’il avait validé les comptes.

Le président du Conseil constitutionnel, Roland Dumas, allait bientôt être lui-même impliqué dans une grosse affaire de pots de vin, l’affaire Elf. Il a aujourd’hui 98 ans.

Dans l’affaire Karachi, la justice a déjà jugé les collaborateurs des ministres

Notamment Nicolas Bazire, à l'époque jeune directeur de cabinet d'Edouard Balladur à Matignon, aujourd’hui directeur général du groupe LVMH. Et Renaud Donnedieu-de-Vabres, à l'époque conseiller de François Léotard au ministère de la Défense, il a ensuite été ministre de la Culture. Ils ont tous les deux été condamnés en juin dernier à 5 ans de prison dont trois ans ferme. Ils ont fait appel.

Ziad Takieddine a lui été condamné à 5 ans ferme, mais il a pris la fuite au Liban juste avant le rendu du jugement. Restait pour clore le dossier à juger les politiques. Les membres du gouvernement qui ne peuvent comparaître que devant la cour de justice de la république, une cour d’assise avec trois magistrats et 12 parlementaires à la place des jurés.

C’est cette cour qui se réunit à 14 heures pour juger cette affaire du siècle... dernier.

Nicolas Poincaré (avec J.A.)