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"Expliquez-nous": les dessous du plan anti-drogues du gouvernement

Tous les matins à 7h50, Nicolas Poincaré propose sur RMC une chronique pédagogique mais personnelle sur une actualité du jour.

Le gouvernement a déclaré mardi la guerre aux trafics de drogues en annonçant depuis Marseille 55 mesures. La principale mesure c’est la création d’un nouvelle office anti-stupéfiants, pour centraliser les actions de la police, de la gendarmerie et des douanes. Un organisme central qui va remplacer le précédent qui avait une mauvaise réputation.

Opération ripolinage, l’OFAST, “l’Office Anti Stupéfiant” va remplacer l’OCTRIS, office centrale de répression des trafics illicites de stupéfiants, qui va donc être dissous au 1er janvier prochain. Façon de tourner la page d’une histoire très particulière.

L’office a été dirigé pendant des années par le commissaire François Thierry, terriblement efficace et adepte de la méthode des livraisons surveillées. Le principe ? On autorise un gros dealer à importer en France une grande quantité de drogues, puis on surveille les livraisons pour démanteler les réseaux de distribution.

Son duo controversé avec un grand trafiquant

Le commissaire Thierry a beaucoup travaillé avec Soufiane Hambli, considéré comme le plus gros trafiquant de France. Ils se sont connus alors que le gros bonnet français purgeait une peine de 18 ans en Espagne. Le commissaire a obtenu son transfert en France, en échange de sa collaboration.

En 2012, le commissaire le fait sortir de sa prison de Nancy, soit disant pour une garde à vue. En fait, pendant plusieurs jours, ils vont s’installer dans un hôtel de Nanterre et superviser ensemble la livraison de 19 tonnes de cannabis en Espagne. Les policiers français sont sur place, la police espagnole est prévenue et va même stocker la drogue au commissariat de Malaga avant de la rendre aux trafiquants français.

Finalement tout arrivera en France à bord de puissantes voitures. Une partie de la drogue, une partie seulement donnera lieu à une dizaine de saisies et à des interpellations soit disant en flagrant délit. Tout le monde est content. Les trafiquants qui font du business et les policiers qui font du chiffre.

Qu’est devenu ce trafiquant ?

Condamné à 18 ans en Espagne et à 13 ans en France, il a obtenu une semi-liberté au bout de 3 ans seulement, puis une libération définitive deux ans après en 2015. Il faut dire qu’il a une très bonne avocate qui est aussi la compagne du commissaire Thierry.

Une fois libéré, il s’est installé dans un 300 mètres carrés de luxe dans le XVIe arrondissement de Paris, avec piscine intérieure. Et c’est là que les douaniers ont saisi 7 tonnes de cannabis, dans des camionnettes en bas de chez lui boulevard Exelmans. Arrêté en Belgique, il affirmera de nouveau que le commissaire Thierry était au courant de tout. Qu’il était en service commandé. Apparemment les douaniers le savaient mais commençaient à en avoir marre des méthodes des policiers.

L’affaire n’a pas encore été jugée, le trafiquant attend le procès, dehors car il a été libéré très récemment. Le commissaire, lui a été mis en examen pour complicité de trafic de stupéfiants mais il est toujours en activité dans un service technique. Quand il a quitté l’OCTRIS, tous ses hommes ont déposé leurs armes en signe de solidarité.

Deux hautes magistrates du parquet de Paris ont également été mises en examen pour avoir couvert la fausse garde à vue dans un hôtel.

Et c’est cette affaire qui est à l’origine de la refonte des services annoncé

Le climat était devenu pourri entre les policiers et les douaniers et entre les policiers et les procureurs du parquet de Paris. Le nouveau service central restera dirigé par la police judiciaire. En l'occurrence une commissaire, avec un magistrat comme adjoint et les gendarmes et les douaniers ont désormais été priés de travailler tous ensemble.

Et pour éviter qu’une telle affaire ne se reproduise, désormais les indics, seront traités par des officiers de police. Les grands chefs, les chefs de services, n’ont plus le droit d'être en contact direct avec les informateurs.

Pour qu’on ne revoie plus une telle complicité entre un grand flic et son indic.

Nicolas Poincaré