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Fadila se bat pour faire reconnaître le "suicide forcé" de sa soeur: information judiciaire ouverte, une première en France

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RMC S'ENGAGE POUR VOUS - On prend des nouvelles ce jeudi d'un dossier qui nous tient à coeur: la première plainte pour suicide forcé déposée en France.

En septembre, Fadila nous avait contacté parce qu'elle n'avait pas de nouvelles de la justice. Elle avait porté plainte après le suicide de sa soeur Odile. Elle est persuadée qu'Odile s'est donnée la mort car son conjoint lui faisait subir des violences psychologiques.

En appelant le parquet, on s'était rendu compte que la plainte avait été classée sans suite. Mais finalement, après notre intervention, le parquet avait rouvert le dossier. Et cette fois, ça y est, une information judiciaire est officiellement ouverte, c'est à dire qu'un juge d'instruction est maintenant en charge de l'affaire.

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Qu'est-ce que ça change?

Yaël Mellul, ancienne avocate, spécialiste des violences conjugales, avait été contactée et l'avait aidée à porter plainte.

"L'information judiciaire, ça change beaucoup de choses. Cela veut dire qu'une instruction est ouverte. Le juge va enquêter sur la plainte déposée par la famille de Fadila. Il va y avoir des auditions pour prouver la détérioration de son état de santé. Son compagnon sera aussi entendu. Tout un champ des possibles qui est inscrit grâce à cette instruction avec pour objectif la mise en examen pour harcèlement moral ayant entrainé le suicide de sa femme. La peine encourue est 10 ans de prison et 150.000 euros d'amende. Maintenant on s'inscrit dans un temps, entre un an et demi et deux ans."

La soeur d'Odile, Fadila, est soulagée qu'une instruction soit ouverte et elle est très confiante, elle a confiance en la justice. Pour elle, c'est déjà une reconnaissance des souffrances subies par sa soeur qui l'ont conduite à se donner la mort.

Une première?

C'est la première fois qu'une instruction est ouverte pour suicide forcé. Ce qui d'ailleurs est totalement anormal au regard de l'estimation que nous avons des suicides forcés en France. On ne peut pas dire d'un coté que 217 femmes en France se suicident chaque année à cause des violences psychologiques, et d'un autre côté constater, sans être étonné, qu'il n'y a qu'une seule plainte déposée depuis la création de la loi le 30 juillet 2020. 

Un problème de communication autour de cette nouvelle infraction?

Il y a plus qu'un problème de communication, il n'y a aucune campagne gouvernementale. Si on ne porte pas à la connaissance de la société cette infraction, comment voulez-vous que les victimes potentielles portent plainte?

Les proches des victimes qui se sont suicidées ou les personnes qui ont tenté de suicider, car cette loi elle concerne aussi le harcèlement moral qui a mené à la tentative de suicide.

Quand on sait que la majorité des femmes victimes de violences conjugales ont tenté de se suicider, on passe à côté d'un nombre phénoménal de victimes potentielles qui n'ont pas même connaissance de cette infraction.

Et puis il y a un problème de communication au niveau des institutions judiciaires. Il n'y a pas eu de circulaire du ministère de la Justice destinée à tous les parquets pour les informer, et aucune formation des acteurs de la chaine pénale.

Marie Dupin (édité par J.A.)