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“J’ai déjà vu des agressions sexuelles": des médecins témoignent de la hausse inquiétante des violences

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Insultes, menaces ou agressions physiques: près de 2.000 incidents visant des médecins ont été recensés en 2024, soit une hausse de 26% en un an. Des chiffres "alarmants" qui traduisent une spirale de violence, confirmée par les témoignages de praticiens de terrain.

Près de 2.000 incidents – agressions, insultes, vols ou actes de vandalisme – ont été signalés par des médecins en 2024 auprès de leur Ordre, selon un rapport publié lundi 29 septembre. Une hausse de 26% en un an, qui illustre une violence grandissante envers les soignants.

Près de 2.000 incidents signalés en 2024

L’Observatoire national de la sécurité des médecins a recensé 1.992 incidents l’an dernier. La majorité concernent des agressions verbales ou menaces (1.207 cas), mais aussi des falsifications d’ordonnances (306), des vols (166), des agressions physiques (105) et des actes de vandalisme (104). Selon le Dr Jean-Jacques Avrane, coordonnateur de l’Observatoire, le nombre de signalements a "pratiquement doublé" depuis 2021 (+95%).

Généralistes en première ligne

Les médecins généralistes concentrent 63% des déclarations, alors qu’ils représentent 57% de la profession. Des spécialistes comme les psychiatres, ophtalmologues ou gynécologues sont également touchés. Les principales causes: reproches liés à la prise en charge (32%), refus de prescriptions (17%) et délais jugés trop longs (8%). La falsification de documents représente désormais "un quart des incidents".

"Une vraie problématique" pour SOS Médecins

Sur RMC, le Dr Philippe Paranque, président de SOS Médecins, confirme une tendance inquiétante.

"Depuis ces dernières années, il y a une vraie problématique autour de l’augmentation des agressions. Cela reste marginal, mais ça perturbe le fonctionnement, le personnel, nos collaborateurs et nos médecins", souligne-t-il.

Selon lui, les violences surviennent à deux niveaux. D’abord au téléphone, lorsque des patients contactent les centres de régulation: "Certains insultent directement nos opérateurs, simplement parce qu’ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent ou qu’ils doivent attendre." Ensuite sur le terrain, face aux médecins envoyés en visite. Les tensions se cristallisent souvent autour des prescriptions ou des arrêts de travail.

"Nous avons des patients régulés qui passent à travers le filtre, et qui exigent une ordonnance ou un arrêt de travail. C’est souvent pour ça que les médecins se font agresser", décrit-il.

Il pointe aussi une forme de frustration sociale qui nourrit ces débordements: "Une certaine frange de la population vient consulter en sachant déjà combien de jours d’arrêt elle veut. Et quand la réponse médicale n’est pas celle attendue, la colère éclate."

Aux urgences, une violence quotidienne

Le Dr Aurel Guedj, médecin hospitalier et chroniqueur sur RMC, constate de son côté que la situation est encore plus grave à l’hôpital, notamment aux urgences.

"L’agression verbale, c’est quelque chose qui arrive assez souvent. Mais les médecins agressés, c’est seulement la partie émergée de l’iceberg. Aux urgences, ce sont tous les soignants qui subissent."

Pour lui, il ne se passe pas une journée sans problème. "Aux urgences, il n’y a pas une journée où on ne rencontre pas une agression. J’ai même déjà vu des cas d’agressions sexuelles."

Le médecin pointe également un problème de respect envers les femmes: "Les patients agressent plus facilement les infirmières, les femmes médecins. C’est une tendance claire, et très préoccupante." Selon lui, ce climat traduit une dérive sociétale. "Pour certains patients, la santé leur est due. Ils considèrent qu’on doit leur rendre un service, sans limite ni condition."

Face à cette spirale, l’Ordre des médecins a signé une centaine de protocoles avec les parquets, les Agences régionales de santé et les forces de l’ordre pour accélérer les réponses judiciaires. La loi Pradal, promulguée en 2025, alourdit les sanctions pour violences envers les soignants et permet aux établissements ou à l’Ordre de porter plainte au nom des victimes.

C.A