"Système Bétharram": pourquoi Hélène Perlant, fille de François Bayrou, sort du silence

Dans un livre et dans Paris Match, la fille aînée de François Bayrou, Hélène Perlant, raconte les violences qu’elle a subies à Bétharram. Professeure âgée de 53 ans, discrète, inconnue du grand public, elle témoigne cette semaine dans Le Silence de Bétharram, un livre où d’anciens pensionnaires racontent les violences subies dans l’établissement catholique.
Dans le livre porté par Alain Esquerre, ancien élève et porte-parole des victimes, Hélène Perlant y raconte ce qu’elle a tu pendant 30 ans : une scène d’une violence extrême, subie à 14 ans, lors d’un camp d’été organisé par une congrégation catholique.
Un soir, un prêtre de 120 kilos lui tombe dessus. Il l’a dans le viseur : "Toi, la fille Bayrou, insolente comme ton père !" Il la saisit par les cheveux, la traîne sur plusieurs mètres avant de la rouer de coups. Elle est blessée, elle s’urine dessus. Elle reste prostrée toute la nuit et se tait.
Pourquoi parler maintenant ? Elle l’explique à Paris Match. Elle veut éclairer ce qu’elle appelle un "système Bétharram". Un monde clos, silencieux, où la honte empêche de parler. Elle a retrouvé, dit-elle, des compagnons de silence. Des récits se sont croisés, les langues se sont déliées.
Hélène Perlant enseigne les lettres en classe préparatoire, loin du bruit médiatique. Une littéraire, comme son père, le Premier ministre, agrégé de lettres classiques. Mais elle a choisi un autre nom. Celui de sa mère. "Je ne voulais plus qu’on me confonde", dit-elle. Trop souvent ramenée à l’image de la "fille de", elle a préféré s’effacer.
François Bayrou, aujourd’hui Premier ministre, est visé par une plainte pour non-dénonciation. Il sera entendu le 14 mai par la commission d’enquête parlementaire sur les violences en milieu scolaire.
"Tu me dénonces?"
À Paris Match, au sujet de la défense de son père à l’Assemblée nationale, Hélène Perlant dit : "On voit bien qu’il est gêné, qu’en gros il a l’air de mentir. Et pourtant, je pourrais jurer qu’il n’a rien pu comprendre." Elle affirme qu’elle ne lui a jamais rien dit. Peut-être par pudeur. Peut-être pour le protéger.
Elle n'accable pas François Bayrou. Elle le décrit comme "intriqué", pris dans un monde local, politique, catholique, qui empêche de voir. Comme tant d’autres, précise-t-elle. Parents, enseignants, responsables: tous, à des degrés divers, englués dans un système qui brouille la perception. "Plus on est intriqué, moins on voit", dit-elle à Paris Match.
Le lien entre eux reste fort. Lorsque le Premier ministre apprend qu'elle témoigne dans un livre à paraître, il l’appelle : "Tu me dénonces ?" demande-t-il. Elle répond : "Tu verras." Selon elle, il conclut : "Je te fais confiance. Partout où tu iras, j’irai."