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Faits divers

Un mort lors d'une séance de cryothérapie: qu’est-ce que cette pratique mal encadrée aux bénéfices incertains?

Une salle de cryothérapie au Centre International de Haute Performance du Val d'Oise, à Eaubonne, au nord de Paris, le 28 juin 2024.

Une salle de cryothérapie au Centre International de Haute Performance du Val d'Oise, à Eaubonne, au nord de Paris, le 28 juin 2024. - Emmanuel Dunand

Une employée d'une salle de sport du 11ᵉ arrondissement de Paris est morte et une cliente a été hospitalisée dans un état grave après une fuite d'azote, selon les premiers éléments de l'enquête, lors d'une séance de cryothérapie lundi. Mais qu’est-ce que cette pratique mal encadrée et aux bénéfices incertains?

La cryothérapie, une pratique à l'origine d'un accident mortel lundi à Paris, n'a pas de bénéfices clairement avérés pour la santé. Alors qu'elle peut causer de graves effets secondaires, son encadrement reste flou en France. Cette pratique repose sur l'idée que l'exposition au froid intense est bénéfique pour l'organisme. Elle consiste donc à imposer au corps, intégralement ou partiellement, des températures très basses pendant un temps limité.

Cela peut soit passer par des bains d'eau glacée, soit par l'usage de l'azote liquide. Ce dernier, à l'origine de l'accident de lundi dans une salle de sport parisienne, peut atteindre un froid extrême, à moins de -100 °C.

La cryothérapie connaît une grande vogue depuis plusieurs années, à commencer par les sportifs de haut niveau qui l'ont particulièrement mise en avant lors des derniers Jeux olympiques. Sur les réseaux sociaux, notamment TikTok, de nombreux influenceurs promeuvent aussi les bains d'eau glacée.

Pour autant, "la glace est souvent employée dans l'idée d'obtenir des bénéfices qui ne sont pas prouvés", soulignait en 2024 un article du British Journal of Sports Medicine, mettant aussi en avant le lourd coût environnemental de cette pratique. Quelques études, souvent citées par les promoteurs de la cryothérapie, mettent en avant des bénéfices, mais elles sont de faible qualité, comme le rappelait en 2019 une expertise de l'Inserm.

"Quand ils sont en faveur d'un effet positif de la cryothérapie, ces résultats sont modestes et mesurés uniquement à très court terme", notaient les auteurs.

Possibles brûlures

Face à ces bénéfices incertains, le risques sont conséquents, en particulier quand de l'azote liquide est utilisé. Ce gaz est dangereux, comme le rappelle l'accident de lundi: une fuite semble avoir causé une intoxication, selon une source proche de l'enquête. Bien plus couramment, de multiples effets secondaires ont été recensés à la suite de séances de cryothérapie.

"Brûlures locales au 1er ou 2e degré, céphalées ou accentuations des douleurs présentes, urticaire chronique au froid, intolérances digestives et plusieurs cas d'ictus amnésique (brusque et temporaire diminution ou perte de la mémoire), énumère l'Inserm. "Un cas de dissection de l'aorte abdominale a enfin été décrit."

Ces risques posent la question de l'encadrement de la cryothérapie en France, alors que le flou règne sur le sujet. La pratique est proposée, sous le contrôle de soignants, dans des centres médicaux et, plus encore, de kinésithérapie. Mais, comme en témoigne l'accident de lundi, des cabines sont également disponibles dans des salles de sport.

Sans prétendre officiellement répondre à des problématiques médicales, elles sont promues comme outils de "bien-être", un concept bien plus vague. Théoriquement, la justice réserve depuis 2022 la pratique de la cryothérapie à des soignants médicaux ou paramédicaux. Deux décisions, dont l'une de la Cour de Cassation, sont à l'époque allées dans ce sens.

Toutefois, l'Etat n'a pas mis en oeuvre de mesures pour concrétiser cette restriction. Interrogé en 2022 par un député, le ministère de la Santé avait dit travailler "à une clarification des circuits de signalement et de leur traitement".

C.A avec AFP