Fusillade mortelle à Nice: "Pendant deux mois on va voir les flics partout, et après plus rien"

Au lendemain de la fusillade qui a fait deux morts et cinq blessés vendredi soir dans le quartier des Moulins, à Nice, la peur domine chez les habitants. Entre la colère, l’impuissance et la lassitude, beaucoup ne croient plus aux promesses de sécurité.
Hamad n’oubliera jamais ce qu’il a vu. "Au début, on a pensé que c’était des pétards… puis on a compris que c’étaient des balles réelles." Alors qu’il jouait aux cartes avec ses amis, il a vu plusieurs personnes s’effondrer à quelques mètres de lui. Parmi elles, des victimes collatérales. "On a essayé de limiter l’écoulement de sang… mais il y en avait partout, c’était infernal", raconte-t-il après avoir porté secours à un adolescent de 16 ans, blessé au thorax.
Plusieurs victimes "sans lien avec le trafic des stupéfiants"
Vendredi soir, vers 21h10, plusieurs assaillants embarqués dans une Peugeot 3008 ont ouvert le feu à proximité d’un point de deal de la place principale des Moulins. Les tirs, à la kalachnikov, ont fait deux morts et cinq blessés. Selon le procureur de Nice Damien Martinelli, "plusieurs victimes apparaissent sans lien avec le trafic de stupéfiants, les tirs ayant pu viser indistinctement les personnes présentes".
Parmi les victimes décédées figurent un père de famille né en 1966, originaire de Tchétchénie, et un jeune Niçois né en 2005. Les blessés, âgés de 16 à 43 ans, ne sont désormais plus en danger de mort. Un véhicule calciné correspondant à celui des suspects a été retrouvé à Mougins, à une vingtaine de kilomètres de Nice. Le parquet a ouvert une enquête pour "homicides volontaires en bande organisée" et "tentatives d’homicide volontaire en bande organisée".
"Si j'avais les moyens de partir, je partirais", confie Hassan, habitant du quartier des Moulins
En réaction, soixante CRS ont été envoyés sur place pour sécuriser le quartier. Mais pour Hamad, cela ne changera rien : "Pendant deux mois on va voir les flics partout, et après plus rien. Toujours pareil."
Un constat partagé par Hassan, 20 ans d’habitation dans le quartier, qui n’ose plus sortir : "On sort pour acheter le pain, mais on ne sait même pas si on va rentrer." Fatigué, il pense de plus en plus à quitter les Moulins. "Je suis bientôt à la retraite, mes enfants sont partis. Moi, je n’ai pas les moyens de partir… mais si je les avais, je partirais." Et d’esquisser un sourire amer : "Au moins mes enfants ont réussi à quitter le quartier."
Christian Estrosi veut des renforts permanents
Face aux critiques, la préfecture défend son action. Elle rappelle que 300 personnes issues des Moulins et d’un autre quartier sensible, l’Ariane, ont été incarcérées depuis le début de l’année dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Elle met aussi en avant les investissements : deux millions d’euros par an pour les dispositifs éducatifs et sociaux, et 75 millions pour le renouvellement urbain.
Pour baucoup d’habitants, ces efforts peinent à apaiser le climat d’insécurité. Le maire de Nice, Christian Estrosi, a appelé le gouvernement à déployer des renforts "permanents" dans le quartier.