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Police-Justice

"L'image que vous avez donné de la police est redoutable": jusqu'à 6 mois de prison ferme requis contre des policiers de la Bac Nord de Marseille

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Il y neuf ans, lorsque l'affaire avait éclaté, le procureur de Marseille de l'époque, Jacques Dallest, avait évoqué une "gangrène".

Des peines allant jusqu'à six mois de prison ferme ont été requises lundi par le parquet à l'encontre des 18 ex-policiers de la brigade anticriminalité des quartiers Nord de Marseille, poursuivis pour des vols de drogue, de cigarettes et d'argent en 2012. Les sanctions les plus lourdes ont été requises contre dix des prévenus, dont deux des chefs de groupe de la BAC Nord de jour. 

Dans son réquisitoire, le parquet, qui n'a demandé aucune relaxe et a requis une peine minimale d'un an avec sursis contre cinq prévenus, a déploré l'image "redoutable" et "pas glorifiante" de la police renvoyée par cette affaire qui avait défrayé la chronique policière.

"L’image que vous avez donné de la police est redoutable", commence le procureur qui va rappeler les vols réguliers de stupéfiants, de cigarettes de contrebande ou de sacoches d’argent au détriment de trafiquants… Mais aussi les partages de butin dans la colline, leur façon de parler de voyous sur les écoutes ou enfin le doute sur la police marseillaise que cette affaire aura durablement créé.

"La seule chose qui restera à long terme, c'est que le doute restera dans la tête de tout le monde, c'est la pire des choses", a souligné le procureur de la République adjoint de Marseille, André Ribes.

Il y neuf ans, lorsque l'affaire avait éclaté, le procureur de Marseille de l'époque, Jacques Dallest, avait évoqué une "gangrène", accusant les policiers de la BAC Nord de "se payer sur la bête" et de "prélever leur dime" sur les dealers et revendeurs de cigarettes de contrebande qu'ils contrôlaient, dans les quartiers populaires de la ville. 

Les policiers jugés, encaissent alors, tête baissée. Puis le procureur, change de ton. Il se pose la question: "Difficile de trouver la juste peine 9 ans après les faits. Est-ce qu’aujourd’hui ils sont redevenus de bons policiers? La réponse est oui", concède-t-il. Cette fois, les policiers relèvent la tête…

Si le magistrat a reconnu que les prévenus bénéficiaient tous de "lettres de félicitations" de leur hiérarchie, il a cependant fustigé le ton utilisé par les policiers, quand l'un d'eux par exemple s'adresse à un passant, l'accusant sans preuve d'avoir une chaîne en or volée, et lui intime de s'arrêter d'un 'toi viens ici' peu protocolaire: "Si c'était moi (...), je me retourne dans la rue et je regarde s'il n'y a pas un chien derrière moi".

Avant ce procès pénal, trois des 18 prévenus avaient déjà été révoqués, suite à l'enquête de l'IGPN. Les quinze autres, qui avaient écopé d'exclusions temporaires ou de blâmes, sont toujours policiers. Depuis, l'un d'eux a même retrouvé un poste à la BAC Nord. "Il n'y pas de place pour ceux qui salissent l'uniforme de la police", avait tancé à l'époque Manuel Valls, alors ministre socialiste de l'Intérieur.

Le procureur a demandé des peines qui n’excèderont pas 6 mois de prison ferme, sachant que certains ont déjà effectué 2 à 3 mois de détention provisoire et que leurs avocats commencent à peine à plaider.

Le message est clair, le parquet n’enfoncera pas l’ex-Bac Nord mais il veut quand même des condamnations pour la forme. Le jugement est attendu jeudi.

Lionel Dian (avec AFP)