La cocaïne très populaire en France: "On peut reprocher aux stars d’avoir lancé la mode"
La France championne d’Europe de la cocaïne? Selon les chiffres relevés par le journaliste d’investigation Frédéric Ploquin, auteur du livre "Les narcos français brisent l'omerta" (Albin Michel), plus d’un quart des consommateurs de cocaïne en Europe se trouvent en France (600.000 sur 2,3 millions). "C’est énorme et la France est probablement le pays en Europe qui consomme le plus de drogue", souligne-t-il dans "Apolline Matin" ce mardi sur RMC et RMC Story. Mais comment la cocaïne a-t-elle pu se répandre autant en France? Il faut d’abord remonter dans les années 1980 selon Frédéric Ploquin.
"Depuis les années 80, en France, la cocaïne a été la drogue de la jet-set, du show-biz. On pourrait leur reprocher aujourd’hui, à ces stars du show-biz, d’avoir lancé la mode, d’une certaine façon, à leurs risques et périls parce qu’un certain nombre en sont morts. Des gens vénérés des Français, des chanteurs… Si on pense à Johnny Hallyday par exemple, il a passé sa vie à consommer du produit, que ce soit de l’héroïne ou de la cocaïne. A mon avis, on peut le reprocher à ces stars. Il faut aussi englober les journalistes, le monde de la télé, de la pub, qui ont donné l’exemple à un moment donné. C’est une réalité des années 80-90. Ce sont eux qui ont été les premiers consommateurs de ce produit, qui a été longtemps réservé à une élite plutôt parisienne et qui, 30 ou 40 ans plus tard, s’est diffusé sur tout le territoire national."
En passant par des réseaux auparavant spécialisés dans le cannabis. "Si ce produit s’est généralisé et popularisé de cette façon-là, c’est aussi parce qu’un certain nombre de revendeurs traditionnels de cannabis, qui étaient déjà implantés sur tout le territoire, se sont convertis, explique Frédéric Ploquin. Ces petits dealers se sont convertis par l’appât du gain, parce que la cocaïne rapporte plus que le cannabis. Le prix de vente a baissé. Cela veut dire que l’impact de la répression n’est pas suffisant pour faire baisser le prix. Aujourd’hui, un gramme peut s’acheter entre 60 et 65 euros. Ça fait quand même cher mais en période d’inflation, le prix n’a pas augmenté. C’est aussi un signe, ça veut dire que l’offre est très importante."
"Aujourd’hui, la cocaïne peut être prise par un soignant, un agriculteur, un marin-pêcheur…"
Et le prix ayant baissé, la consommation s’est élargie aux classes moyennes et aux jeunes. "Aujourd’hui, la cocaïne peut être prise par un soignant, un agriculteur, un marin-pêcheur… Des gens qui ont un rythme extrêmement intense et qui pensent qu’ils vont réussir à tenir le coup grâce à ce produit, explique Frédéric Ploquin. Elle est également prise par les jeunes, on en trouve dans les lycées. C’est une popularisation, une généralisation, ce qui était le but recherché par les organisations criminelles. Il faut quand même rappeler que derrière ce produit soi-disant festif ou énergétique, il y a de puissantes organisations criminelles qui menacent nos démocraties de manière assez directe en corrompant nos fonctionnaires, nos dockers…"
Des dealers qui se sont adaptés au fil des années. "Les trafiquants sont très mobiles, très réactifs. Pendant le Covid, ils ont trouvé le moyen d’acheminer le produit au consommateur sans passer forcément par les axes routiers, en se faisant moins remarquer qu’auparavant. Ils ont inauguré la fin du point de deal traditionnel que vous repérez facilement, dans un quartier. C’est une nouvelle période où il s’agit d’acheminer le produit jusqu’au consommateur. Evidemment, les réseaux sociaux sont une aide absolument colossale. Cela peut aussi déculpabiliser le consommateur. Si vous devez aller sur un point de deal, faire la queue, dans un quartier un peu chaud, avec peut-être la police autour, vous avez un peu peur. C’est plus compliqué que si vous attendez qu’on sonne, devant chez vous, comme pour vous livrer une pizza ou autre chose."
"On vide l’océan à la petite cuillère" dénonce un policier
Policier en Meurthe-et-Moselle et auditeur RMC, Fabrice dénonce le manque de moyens pour lutter contre le trafic de drogue. "Aujourd’hui, le cannabis est très, très largement répandu chez les jeunes mais on a une évolution sur les points de deal, explique-t-il sur RMC. A l’époque, ils vendaient de la résine, de l’herbe. Aujourd’hui, ils sont passés à la cocaïne. Et le prix est en train de baisser. On trouve aujourd’hui des points de deal où le gramme se négocie à 40-50 euros. Ça touche toutes les couches de la société. On a des salariés du privé, du public, des gens de toutes les classes sociales qui consomment de la cocaïne. On considère nous que c’est un véritable fléau. Et on vide l’océan à la petite cuillère… J’ai un groupe de deux personnes sur les stupéfiants, en zone frontalière, pour lutter contre des points de deal qui se multiplient."