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Latifa Ibn Ziaten: "Le danger, c'est moins l'islam qu'une jeunesse qui ne rêve pas"

Latifa Ibn Ziaten, mère d'une des victimes de Mohamed Merah en 2012, et qui rencontre des jeunes des quartiers via l'association qu'elle a créée, alerte sur le désespoir d'une frange de la jeunesse française. Elle était l'invitée de Jean-Jacques Bourdin ce mercredi.

Depuis que son fils Imad, militaire de 30 ans, a été tué par Mohammed Merah le 11 mars 2012, Latifa Ibn Ziaten parcourt la France à la rencontre des jeunes des quartiers pour prôner la tolérance et le "vivre ensemble". Après l'avoir reçue il y a quelques semaines alors que son association (Imad Ibn Ziaten pour la jeunesse et la paix) venait d'être récompensée du prix de la Fondation Chirac pour la prévention des conflits, Jean-Jacques Bourdin l'a une nouvelle fois invitée ce jeudi sur RMC, alors que l'on rend hommage aux victimes des attentats de janvier 2015. De toutes ses rencontres avec des milliers de jeunes et habitants de banlieue, elle a tiré un livre : Dis-nous Latifa, c’est quoi la tolérance ? (éditions de l’atelier).

"Les jeunes ne savent pas ce qu'est la tolérance"

Elle l'avoue, les jeunes rencontrés "ne savent pas ce qu'est la tolérance". "Je leur explique que c'est le respect de l'autre, c'est aller vers l'autre. Mais les jeunes aujourd'hui sont dans l'ignorance, dans la souffrance". Un constat terrible, alors que la France a découvert à travers les folies meurtrières et fanatiques de Mohamed Merah, des frères Kouachi, d'Amédy Coulibaly et de certains auteurs des attentats de novembre, sont le fait de jeunes Français qui ont vécu sur notre sol.

Latifa Ibn Ziaten, n'excuse en aucun cas la radicalisation et prône un islam tolérant, message qu'elle essaie de faire passer auprès des collégiens et lycées qu'elle rencontre. Quand une jeune adolescente lui dit "si je porte le voile je ne trouverais pas de travail", elle répond : "Si on vit dans un pays laïc, il faut retirer le foulard au travail. On est musulmane dans la foi, pas dans l'apparence. L'islam, c'est à l'intérieur de soi".

"Quand on perd l'espoir, on tombe dans la radicalisation"

Mais elle l'assure, il est essentiel "d'ouvrir les cités, d'ouvrir les ghettos, de mixer (sic) les établissements scolaires". "Il faut donner des chances à cette jeunesse, on ne peut pas les oublier. Quand on perd l'espoir, quand on n'a plus de rêves, on tombe dans la radicalisation".

Pour illustrer la désespérance de ces jeunes, Latifa Ibn Ziaten raconte : "J'ai fait une conférence hier (mercredi) devant des enfants de 15 ans. La moitié de la classe pleurait, car je touche leur souffrance quand je leur parle d'amour, de mixité. Ils disent qu'ils n'ont pas de rêve, pas d'espoir. Cela n'a rien à voir avec l'islam. Écoutons et aidons ces jeunes. On ne peut pas fermer les yeux et les laisser comme ça. Quand un jeune bac+4 ne trouve pas de travail, parce qu'il habite dans un quartier ou qu'il porte un nom différent, il perd espoir et c'est grave". "Le danger c'est moins l'islam qu'une jeunesse qui ne rêve pas", insiste Latifa Ibn Ziaten.

"Ce n'était pas la même chose en 1970, aujourd'hui il y a de la méfiance"

Bien sûr qu'il y a du communautarisme dans certains quartiers, mais, dénonce-t-elle, "on a mis ces familles dans ces ghettos, comment voulez-vous qu'ils s'intègrent puisqu'ils sont entre eux". "Quand je suis venue en France, j'étais avec des Français et je me suis intégrée. Ce n'était pas la même chose en 1970 et aujourd'hui. Aujourd'hui on sent de la méfiance, alors qu'il faut tendre la main à ces jeunes".

Philippe Gril avec JJ. Bourdin