Les téléphones portables dans les prisons, "c'est une véritable aide psychologique"

- - AFP
Sylvain Chatelet, 51 ans, a passé au total 25 ans en prison pour braquages. Il est sorti de la maison centrale d'Arles en décembre 2013.
"Mon dernier séjour en prison a duré 12 ans et demi. J'ai eu un portable au début de mon incarcération mais qui m'a causé pas mal de désagréments. Ma compagne était enceinte à ce moment-là, elle a accouché, c'était une période très difficile pour elle et pour moi et j'ai pris la décision de me procurer un téléphone portable. Ce que je ne savais pas, c'est qu'il avait été insidieusement remis par les services de police et le juge d'instruction, donc il était sur écoute. On me l'a laissé 4 mois, et j'ai pris 6 mois de prison pour ça. Du coup après, je n'en ai pas eu un autre car le jeu n'en valait pas la chandelle.
Je me suis rendu compte que les portables en prison permettent à un certain nombre de personnes de garder un lien très important et indispensable non seulement pour ne pas perdre sa famille, pour être près d'eux et aussi garder de l'espoir. Ne pas être en désespérance. C'est un lien très important.
Je comprends pourquoi les gens le font. Vos potes d'infortune vous racontent qu'ils ont parlé à leur enfant le matin, c'est de ça dont ils parlent, pas de creuser des tunnels pour s'évader. Ça aide aussi à se projeter pour la suite. Aujourd'hui avec l'accès à Internet, certains arrivent à se renseigner sur leur réinsertion parce que si vous attendez les services sociaux, vous attendrez longtemps, ils sont débordés. Le portable en prison, c'est une véritable aide psychologique. Il faut arrêter de fantasmer sur les pseudo-risques.
"Tout le monde a son portable et on ferme les yeux"
Mon constat, c'est aussi celui de l'OIP, mais aussi celui de nombreux surveillants qui pensent que l'on a les moyens techniques de s'adapter. C'est complètement ridicule, on vit dans une situation où pratiquement tout le monde a son portable et on ferme les yeux. J'ai eu des discussions assez ouvertes avec des surveillants qui me disaient qu'ils savaient très bien qu'il y avait des portables qui rentraient de partout et qu'il faudrait les autoriser.
Le problème est réel, donc il faudrait avoir le courage de le prendre à bras le corps et de dire que l'on peut encadrer l'usage du téléphone portable. Pourquoi refuse-t-on le portable en prison alors qu'on a le droit de téléphoner? On ne peut pas dire que ça sert à s'évader, il n'y a pas plus d'évasion aujourd'hui qu'à l'époque où il n'y avait pas de portable. Les gens s'évadent parce qu'ils vivent des situations insupportables émotionnellement, psychologiquement.
On vous coupe de tout. Mais si vous gardez ce qui est essentiel, c’est-à-dire le rapport avec la famille, vous n'avez pas cette volonté de vous évader physiquement. Le portable est vraiment une aide, donc c'est dommage de ne pas avoir le courage de prendre ce problème concrètement".