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Metoo Armée: interdiction d’exercer et 2 ans de prison avec sursis pour le sergent qui avait harcelé sexuellement sa subordonnée

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RMC diffusait en exclusivité le témoignage de Léa*, une militaire qui dénonçait des faits de harcèlement sexuel au sein même du ministère des Armées, il y a quelques semaines. Son harceleur a finalement été condamné à deux ans de prison avec sursis ce jeudi 20 juin 2024.

Le sergent jugé pour harcèlement sexuel à l’égard d’une subordonnée au secrétariat général du ministère de La Défense a été reconnu coupable de harcèlement sexuel, condamné à deux ans de prison avec sursis.

Il est également condamné à une interdiction d’exercer à trois ans ainsi que la peine complémentaire de trois ans d’inéligibilité ainsi que l’inscription de cette condamnation au casier B2. Sa carrière militaire est terminée.

Une autre audience sur intérêts civils statuera le 16 décembre sur les dommages et intérêts, mais le tribunal a d’ores et déjà demandé au prévenu de provisionner 3.000 euros à ce titre. Un soulagement pour Léa* qui avait dénoncé les faits de harcèlement sexuel à sa hiérarchie sans être prise au sérieux au départ. Elle avait d'ailleurs témoigné au micro de RMC.

Une "intention d’insulter l’autre de l’humilier de la réduire à un objet sexuel"

“Je sors de ce tribunal, a demandé le prévenu, je suis libre ? Mais demain matin, je ne peux pas rendre compte à mon chef ?”. “C’est votre conseil et votre hiérarchie qui vous conseilleront le mieux sur la marche à suivre”, lui a répondu le Président lui rappelant qu’il avait dix jours pour faire appel.

La procureure avait requis deux ans de prison dont 20 mois avec sursis et l’inéligibilité ainsi qu’un stage de formation aux VSS, elle avait rappelé au tribunal qu’il pouvait prononcer une interdiction d’exercer estimant que le prévenu avait eu “cette intention d’insulter l’autre de l’humilier de la réduire à un objet sexuel”.

"Monsieur a conscience de sa responsabilité, il savait qu'il devait être jugé et condamné. Je reste convaincue qu'il a servi d'exemple”, précise Me Aurore Ventura, l’avocate du prévénu, à RMC.

“L'institution judiciaire a voulu dire à l'institution militaire, ‘voici notre réponse à ce type de comportement’. En plein mouvement metoo ça devenait une affaire de principe. Je m'interroge sur l'interdiction d'exercer alors que mon client s'est engagé à 18 ans et n'a connu que l'armée", conclut l'avocate. Le militaire se laisse l'éventualité de faire appel.

Une descente aux enfers

Pour rappel, Léa* avait subi le harcèlement sexuel de son binôme et supérieur qui a le double de son âge au sein du secrétariat général du ministère de la Défense, sous les dorures de l'hôtel Brienne. Dès sa prise de poste fin septembre 2021 jusqu'au début du mois de janvier 2022, Léa* avait enduré les remarques sexistes de ce sergent.

"De 7h à 23h à l'entendre dire qu’il aimerait bien me baiser, me sodomiser, qu’il avait hâte que je sois en état d’ébriété pour profiter de moi".

Le tout sans que ses collègues directes témoins de ces propos ne réagissent. Après deux ans d'arrêt maladie, Léa n'a plus eu la force de reprendre du service au sein de l'armée, elle sera d'ailleurs bientôt réformée.

Témoin RMC : #MeToo armées, le témoignage RMC d'une victime présumée - 16/05
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Un message d'espoir aux victimes

Après ce jugement, la victime, elle, se dit soulagée. “Tout ce que j’ai enduré a été reconnu par la justice. Moi, à cause de cette personne, j'ai dû arrêter mes fonctions militaires. Son interdiction d’exercer est un juste retour des choses. Ça a été énormément de pression, heureusement que j’ai été bien entourée”, explique-t-elle.

Elle poursuit: “ces trois années m’ont fait grandir, m’ont permis de reprendre conscience que l’être humain n’est pas mauvais, j’avais perdu foi en tout ça à cause du monde militaire”.

"Au-delà du #metoodesarmees, cette décision apparait conforme au droit, a estimé Me Elodie Maumont l'avocate de Léa*. Sans servir d’exemple, je souhaite qu’elle permette de faire œuvre de pédagogie auprès de ceux qui ont vu, ont su et n’ont pas agi. D’ailleurs, le ministère et la hiérarchie seraient bien avisés de mener une vraie enquête de commandement".

"Il faut nous prendre au sérieux, ça laisse des séquelles”

Léa veut dire aux autres femmes qui subissent du harcèlement sexuel et sexiste dans les armées qu’il y a “toujours une issue, la carrière est fébrile après mais il ne faut pas se laisser faire même si sur le coup, on ne dit rien, rendre compte à sa hiérarchie, c'est déjà se défendre”.

Aux chefs des armées, Lea* “leur demande d’être très attentifs, ils sont responsables, on a peur de rendre compte d’être décrédibilisées à cause de leur réaction. Ça pourrait arriver à leurs filles. Il faut nous prendre au sérieux, ça laisse des séquelles”.

Marion Dubreuil