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Meurtre de Mahamadou Cissé: "J’avais signalé que le papy allait tirer", affirme un témoin

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TEMOIGNAGE RMC. Cinq mois après le meurtre de Mahamadou Cissé, un jeune de 21 ans tué d’une balle dans le thorax par son voisin âgé de 83 ans à Charleville-Mézières, un témoin affirme qu’il avait alerté la police municipale dix jours avant les faits. Il témoigne au micro de RMC et déclare que l'octogénaire lui avait dit qu’il allait finir par tuer un jeune.

Le procureur de la république de Reims avait parlé d’un "crime d’exaspération" au sujet du meurtre de Mahamadou Cissé, 21 ans. Le 9 décembre 2022 à Charleville-Mézières, un voisin de 83 ans lui avait tiré une balle dans le thorax. L’octogénaire a depuis été mis en examen pour meurtre, détention d’une arme non autorisée et violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique.

En garde à vue, le suspect avait affirmé qu’un groupe de jeunes traînait devant chez lui en permanence et qu’ils consommaient de l’alcool et la drogue. Ce jour-là, il leur avait demandé de partir et, d'après lui, les jeunes l’auraient insulté.

Des témoins contredisent la version du suspect

Il dit être allé chercher son fusil chez lui et avait menacé les jeunes avant de tirer sur Mahamadou Cissé, son voisin de 21 ans. "J’ai tiré parce qu’il m’a insulté et il m’a craché à la figure. Le coup est parti […] les nerfs sont montés", a-t-il affirmé.

Deux témoins directs contredisent cette version. Au moment des faits, ils étaient avec Mahamadou Cissé et affirment que le jeune homme aurait cherché à raisonner le vieil homme. Il lui aurait demandé à plusieurs reprises de ranger son arme.

L’analyse du sang du jeune homme montre d'ailleurs qu’il n’avait pas consommé d’alcool ou de drogue. Une expertise psychiatrique de l’octogénaire écarte également toute altération ou abolition du discernement et souligne le "caractère obsessionnel" du mis en cause.

"Il va tirer, il est à deux doigts de craquer"

De plus, le témoignage d’un homme semble fragiliser la version d’un tir accidentel: il avait recueilli les confidences du mis en cause dix jours avant les faits. Jamel connaissait à la fois le mis en cause et la victime, car sa mère habitait dans le même immeuble. Il a accepté de témoigner au micro de RMC.

Le 29 novembre 2022, il avait croisé l’octogénaire dans la cage d’escalier. Ce dernier lui avait dit: "J’en ai marre des jeunes, un de ces jours je vais en tuer un, pour ce qu’il me reste à vivre j’en ai plus rien à foutre. Je te jure, je suis équipé".

"Moi, je comprends qu’il parle d’une arme, c’est un ancien militaire, donc je n'ai aucun doute sur le fait qu’il soit armé", précise Jamel. Ce témoin, qui n’a pas encore été entendu au cours de l’instruction et qui s’est signalé auprès de la famille et de la justice, avait appelé le chef de la police municipale de nuit pour le prévenir. "J’avais averti, le papy du rez-de-chaussée il va tirer, il est à deux doigts de craquer", raconte Jamel.

La police dit ne pas avoir reçu de signalement précis

L’agent municipal explique ne pas avoir reçu un signalement aussi précis. L’adjoint à la sécurité de la ville de Charleville-Mézières, Quentin Clarin, accorde d'ailleurs toute sa confiance à cet agent.

"Il y a eu des indications sur le trafic de stupéfiants et l’exaspération des habitants et nous les avons remontés à de nombreuses reprises au DDSP. C’est un endroit bien identifié qui génère de nombreuses nuisances, mais nous n’avons pas eu d’informations précises sur cet octogénaire qui aurait menacé de passer à l’acte", dit-il.

Aujourd’hui, Assetou Cissé, la sœur de Mahamadou Cissé et partie civile dans l’instruction pour meurtre, déplore que le témoignage de Jamel n’ait "pas été pris suffisamment en compte, pas pris au sérieux".

"Pourtant, il prévient la police municipale de deux choses. La première chose, c’est que cet homme est armé. La deuxième, c’est qu’il a un projet de tuer. Personne n’est allé à son domicile pour vérifier s’il avait une arme ou pour le raisonner. Rien n’a été fait. Si le signalement avait été pris en compte, peut-être que rien ne serait arrivé", explique Assetou Cissé.

Une journée d'hommages le 20 mai

"Mon frère est mort, il n’avait que 21 ans, il avait toute la vie devant lui. Réduire son meurtre à de l’exaspération, c’est insupportable et inacceptable, affirme Assetou Cissé. Mon frère avait de l’avenir des projets. Ce monsieur a pris une décision le 9 décembre 2022, c’est une décision irréparable, on se croirait dans un film de western ou aux Etats-Unis."

Assetou Cissé organise une journée en mémoire de son frère samedi 20 mai pour faire vivre sa mémoire. "Mahamadou rêvait de devenir acteur, il avait joué comme figurant dans le film Les Tirailleurs de Mathieu Vadepied avec Omar Sy. Il était fier d’avoir joué dans ce film, malheureusement il n’a pas pu en voir la sortie (4 janvier 2023). Il aurait pu devenir un grand acteur ou un grand boulanger parce qu’il adorait la pâtisserie française", conclut-elle.

Marion Dubreuil et AB